Film sur Arte à 23 h 35

XENIA Trailer | Festival 2014

C’est un joli garçon qui va de petit boulot en petit boulot à Athènes, au temps de la grande dépression du XXIe siècle. Il rêve de tenter sa chance au télécrochet national et a honte de son petit frère, un adolescent gay et extraverti qui l’appelle Ody. Si bien qu’il faut un peu de temps pour reconnaître le prénom de ce héros, et la nature de l’histoire dans laquelle il est embarqué.

Ody a beau être d’origine albanaise par sa mère, il s’appelle Odysseas, et Xenia, le film, est un récit itinérant, ­jalonné de monstres et de séductrices, de peuplades barbares et de coups du sort. Mais Panos Koutras, le réalisateur, est aussi l’auteur de L’Attaque de la moussaka géante (1999), parodie hellène et queer des séries B américaines des années 1950.

Xenia n’est pas fait pour être tout à fait pris au sérieux, tout en faisant appel aux meilleurs sentiments des spectateurs. Il ne s’agit pas d’exercer ici son droit à l’ironie, mais de se rendre aux acrobaties du réalisateur et de ses interprètes, prêts à tout pour arracher une larme ou un sourire.

Trésors et sortilèges

Dany, le petit frère en question, quitte la Crète au début du film pour retrouver Ody. Leur mère, une chanteuse de cabaret alcoolique, vient de mourir, et le garçon a décidé à la fois de retrouver leur père, de nationalité grecque, et de persuader son frère de participer pour de bon à l’équivalent grec de « Nouvelle star ». Dany a pour compagnon de voyage un lapin blanc caché dans un sac qui recèle d’autres trésors et sortilèges.

Il se trouve que le père habite à Thessalonique et que le concours de chant y est organisé, ce qui oblige les frères désargentés à traverser le pays. Parce qu’ils sont presque majeurs et que leur géniteur ne les a pas reconnus, ils sont menacés d’expulsion et doivent se méfier aussi bien de la police que des gangs racistes qui hantent les rues. Parce que Dany est gay, il est hors de question de compter sur l’appui des jeunes Albanais.

Ces tribulations sont monnaie courante dans le cinéma européen contemporain, mais Panos Koutras les traite sur le mode du conte, tempérant son inspiration homérique par un amour manifeste pour l’imagerie de Walt Disney. Et, puisque l’on en est au chapitre des influences, il ne faut pas négliger celle de Pedro Almodovar, qui se traduit par un penchant pour les paroxysmes un peu exhibitionnistes, comme la très longue séquence qui conclut le film. Entre-temps, on aura rencontré, dans le rôle de la divinité protectrice, un patron de boîte de nuit qui s’est manifestement inspiré d’Ugo Tognazzi pour composer son personnage, et, dans celui de la magicienne mystérieuse, la chanteuse italienne Patty Pravo, dont le physique presque inhumain impressionne durablement.

Kostas Nikouli et Nikos Gelia. | © PYRAMIDE FILMS

Xenia force la sympathie. D’abord, parce que le jeune interprète de Dany est irrésistible en adolescent bien réel (se nourrissant exclusivement de produits ­sucrés, incapable de résister à une pulsion, insouciant des conséquences de ses actes) et pourtant doué de pouvoirs quasi ­magiques.

Ensuite, parce que les références et les citations trouvent leur place dans un univers qui n’appartient qu’au cinéaste. Ody et Dany cheminent dans des paysages où la beauté lutte avec la banalité mortifère, et doivent eux-mêmes combattre pour préserver leur identité, leur intégrité. Et, comme Panos Koutras est un cinéaste plus généreux que cruel, cette odyssée suscite une sympathie irrésistible, à moins d’avoir le pessimisme chevillé au corps.

Xenia, de Panos Koutras. Avec Kostas Nikouli, Nikos Gelia (Gr., 2014, 125 min).