Il a dit « yes ». Le président américain Donald Trump, accompagné de son épouse Mélania, viendra à Paris le 14 juillet, à l’invitation d’Emmanuel Macron, pour assister au défilé sur les Champs-Elysées. Des troupes américaines doivent s’y produire aux côtés des militaires français, à l’occasion du centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis. L’invitation, lancée dans le cadre protocolaire des commémorations, avait été faite le 25 mai lors du sommet de l’Otan à Bruxelles, mais était restée lettre morte.

Syrie et climat

M. Macron l’a donc renouvelée le 27 juin lors d’un entretien téléphonique avec M. Trump, à l’origine destiné à féliciter le président français pour le résultat des élections législatives, et au cours duquel les deux hommes ont préparé la rencontre bilatérale qu’ils auront pendant le G20, à Hambourg les 7 et 8 juillet. Mercredi, la Maison Blanche a fait savoir que cette première visite du président américain en France serait l’occasion « de réaffirmer les solides liens d’amitié entre la France et les Etats-Unis ».

L’Elysée a aussi justifié cette invitation en rappelant les liens anciens qui unissent les Etats-Unis, « pays allié et ami », à la France. « Il y a des désaccords (sur le climat notamment, NDLR) mais cela n’empêche pas d’échanger sur d’autres sujets », avance-t-on dans l’entourage de M. Macron. Selon le communiqué de la Maison Blanche, les dirigeants renforceront à cette occasion « leur coopération déjà forte en matière de lutte contre le terrorisme et leur partenariat économique et aborderont de nombreuses autres questions d’intérêt mutuel ». Alors qu’ils font chacun à leur manière leurs premiers pas sur la scène internationale, les sujets de discussion entre les deux hommes ne manquent pas, qu’il s’agisse de dossiers consensuels comme l’engagement contre l’organisation Etat islamique en Syrie et en Irak, ou plus conflictuels comme les mesures contre le réchauffement climatique. Selon une source officielle française, les deux présidents pourraient profiter d’un dîner le 13, pour évoquer le dossier syrien, alors que Washington et Paris ont brandi cette semaine des menaces de représailles contre le régime de Damas en cas de nouvelle attaque chimique.

Mais les égards à l’endroit du président américain, conspué par la quasi-totalité des responsables politiques français avant et après son élection, ont surpris en France. Ainsi, le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a estimé que M. Trump n’était pas le bienvenu à la fête du 14-juillet, qui est celle de la liberté des Français. Cette réaction n’est toutefois en rien comparable au tollé suscité en Grande-Bretagne par une possible venue du président américain à Londres. Face aux risques de manifestations, la visite d’Etat de M. Trump a été reportée sine die.

Imprimer sa marque

« Macron recherche la compagnie des grands de ce monde, observe le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. Il sait que sa victoire à la présidentielle, avec un premier tour à 23 % seulement, doit être relégitimée ». « Macron veut affirmer aux yeux de tous que « France is back », analyse de son côté l’ancien ministre Thierry Mandon, qui voit là « un peu de prétention ». Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était vu reprocher sa jeunesse et son manque d’expérience, notamment sur la scène internationale. A peine élu, le chef de l’Etat a voulu montrer qu’il ne redoutait pas les rapports de force. Le 29 mai, il a reçu Vladimir Poutine à Versailles, sans hésiter à évoquer devant lui des sujets dérangeants, comme les droits de l’homme.

Avec M. Trump, M. Macron a voulu imprimer sa marque. Dès leur première rencontre, au sommet de l’Otan, fin mai, à Bruxelles, il a semblé vouloir donner le ton de la relation franco-américaine, lors d’une énergique poignée de main échangée avec un Donald Trump visiblement pris de court. « Il faut montrer qu’on ne fera pas de petites concessions, même symboliques », a ensuite expliqué le président français. Lors du G7, en Sicile, alors qu’il se dirigeait vers le président américain, flanqué d’homologues étrangers dont la chancelière allemande, M. Macron avait ostensiblement dévié de sa route, au dernier moment, pour saluer Angela Merkel puis d’autres Européens, avant de se tourner vers le président américain, spectateur contrit de cette scène.

Moins d’une semaine plus tard, Macron avait également défié Trump sur le climat, alors que ce dernier venait d’annoncer sa décision de sortir des accords de Paris. A l’occasion d’une conférence de presse nocturne et improvisée, le président français avait parodié le slogan de campagne de Trump par cet appel : « Make our planet great again » (rendez sa grandeur à notre planète). Il a depuis assuré qu’il ne désespérait pas de faire changer d’avis au président américain.

Propos peu amènes

« Macron a sans doute jugé qu’il avait été un peu fort avec sa poignée de main et son message vidéo sur le climat », avance un diplomate qui a servi sous le quinquennat précédent, d’où l’invitation le 14 juillet. Mais le chef de l’Etat a surtout obéi à une logique protocolaire, l’amenant à inviter le président des Etats-Unis, dès lors que les troupes américaines défilaient sur les Champs-Elysées. « Ce qui est le plus surprenant dans cette affaire, c’est que Trump ait accepté de venir, poursuit le diplomate. C’est un bon coup pour Macron ».

A Washington, l’annonce de ce déplacement a suscité peu de commentaires mais a pu surprendre, d’autant que le président américain reviendra tout juste de son séjour en Europe pour le G20. Depuis son installation à la Maison Blanche, M. Trump a tenu des propos peu amènes sur la capitale française. En février, en marge de déclarations sur sa politique migratoire et la lutte contre le terrorisme, M. Trump avait convoqué les dires d’un mystérieux ami, Jim, pour critiquer la France. Selon cet ex-amoureux de « la Ville lumière », cité par M. Trump, Paris n’était plus Paris et il n’envisageait plus d’y retourner ». Plus récemment, défendant sa décision de sortir de l’accord de Paris, il avait déclaré, dans un étonnant raccourci, qu’il avait été élu « pour défendre les habitants de Pittsburg, pas de Paris ».

Les rencontres du mois de juillet donneront aux deux dirigeants l’occasion de soigner des relations, amorcées de manière un peu abrupte.

Solenn de Royer et Stéphanie Le Bars (à Washington)