Bac 2017 | MARTIN BUREAU / AFP

A l’heure où des milliers de lycéens et d’étudiants en réorientation sont dans l’attente d’une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur par la plate-forme Admission post-bac (APB), le rapport annuel du médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur présenté jeudi 29 juin met en avant l’urgente nécessité d’améliorer l’information des familles sur la procédure. Si les polémiques régulières autour de la transparence de l’algorithme et de l’utilisation du tirage au sort dans les filières en tension, en 2017 encore plus qu’avant, alimentent l’incompréhension et la défiance des familles envers la plate-forme, les réclamations reçues par ses services montrent aussi « une méconnaissance du fonctionnement d’APB », explique Claude Bisson-Vaivre.

Dans les 137 réclamations reçues par ses services en 2016 (contre 131 en 2015) au sujet d’APB, les difficultés les plus importantes relèvent en effet de trois domaines, selon le rapport : « Des parents ou des élèves “perdus” qui ne se retrouvent pas dans APB », « des saisines concentrées sur les filières en tension », telles que le sport (Staps), la santé (Paces), la psychologie ou le droit. Et enfin des « requérants qui se retrouvent parfois seuls, en juillet et août, face à leur problème d’admission dans le supérieur ».

Auprès du Monde le médiateur commente : « Si ce rapport était écrit aujourd’hui, il prendrait bien sûr en compte les éléments nouveaux de la session 2017. Entre autres les difficultés autour des pastilles vertes, pour lesquelles nous avons déjà des saisines cette année. » Ainsi que sans doute les 17 000 candidats qui n’ont, à l’issue de la seconde phase d’admission, toujours pas obtenu leur premier vœu dans des filières universitaires en théorie non sélective.

Des « bugs d’APB » qui n’en sont pas toujours

Dans leurs réclamations, dont le rapport publie quelques extraits, les candidats et leur famille « invoquent souvent un “bug d’APB”, qui n’a pas fonctionné », mais il arrive parfois que le médiateur « constate, après vérification, que le portail a bien fonctionné mais pas comme le souhaitait le candidat ». Il en est ainsi de cette jeune fille dont les parents écrivent au médiateur le 19 juillet 2016 que « le dispositif APB n’a pas fonctionné correctement » parce qu’aucun de ses vœux de classe préparatoire (CPGE) n’a été accepté durant la procédure normale d’APB. Or « ses vœux n’ont pas été retenus car elle n’était pas assez bien classée pour intégrer une des filières sélectives demandées », note le rapport.

Il y a aussi cet élève de terminale scientifique, « bon footballeur », dont le père s’étonne qu’il n’ait pas été accepté dans la filière Staps à laquelle il avait postulé dans une autre académie que la sienne, alors que les élèves de l’académie ayant placé la filière en premier vœu sont toujours prioritaires dans les filières en tension de l’université, auxquelles appartient Staps. Il y a encore cette lauréate du baccalauréat ES qui, après avoir été admise sur son quatrième vœu en filière droit, répond « Non mais » à cette proposition. Sur la plate-forme ce choix équivaut à une démission du vœu en espérant obtenir à la phase suivante une meilleure proposition. Elle contacte finalement le médiateur pour comprendre pourquoi elle n’a pas eu d’autre proposition, alors même que le guide du candidat précise en gras : « Attention ! Vous n’êtes pas sûr d’avoir une autre proposition aux phases suivantes. »

Pour expliquer ces « erreurs » le médiateur évoque des causes multiples, parmi lesquelles la « faiblesse de la culture numérique » dans certaines familles. « Les usages numériques des jeunes sont plus intuitifs et ludiques. Ils ne les préparent pas nécessairement bien à l’appropriation d’un dispositif complexe comme APB » commente Claude Bisson-Vaivre. Admission post-bac propose un foisonnement d’informations sur quelque 12 000 formations du supérieur, il est à la fois un « moyen d’auto-orientation, un cadre formel d’aide à la décision » avec une dimension « hautement institutionnelle » pouvant déstabiliser.

Le médiateur regrette par ailleurs que l’orientation active mise en place dans de nombreux établissement, et consistant à accompagner l’élève dans la saisie de ses vœux pour qu’ils soient le plus en adéquation avec son profil, ne soit pas plus valorisée dans les guides nationaux concernant APB et sur la plate-forme.

Accompagnement systématique des familles

Le rapport du médiateur estime que, si la plate-forme Admission post-bac est une « “mécanique efficace” dont la prouesse est de gérer, chaque année, l’admission dans l’enseignement » de plus de 800 000 candidats, les plaintes reçues montre que le revers de cette automatisation est qu’APB « peut être ressenti comme “inhumain” : le candidat ayant le sentiment que ce n’est pas une personne qui prend la décision mais qu’elle est confiée à une machine ». Un ressenti qui est par ailleurs accentué à la fin de la procédure lorsque l’usager « se retrouve seul face à l’outil sans pouvoir contacter un service avec lequel il est possible d’échanger afin de trouver des solutions ou tout simplement pour être écouté ».

Pour améliorer la compréhension de la plate-forme par les familles, et atténuer une défiance que les déboires de « la machine » face à l’afflux des étudiants (+ 40 000 en 2017) ne font qu’accentuer, le rapport du médiateur fait plusieurs préconisations :

  • dispenser à l’intention des familles et de façon systématique, « dans tous les établissements scolaires », une information sur l’algorithme APB et un accompagnement à la saisie des vœux. Le médiateur cite l’exemple d’un lycée de la Nièvre qui « propose aux parents une “Nuit APB” , où, avec leurs enfants, ils peuvent manipuler APB toute une soirée afin de se familiariser avec l’outil, le comprendre » ;
  • réserver des heures du dispositif d’accompagnement personnalisé en classe de terminale pour consolider l’adéquation vœu-profil de l’élève ;
  • proposer aux enseignants des « temps de formations à l’orientation et à l’actualisation des connaissances concernant APB » ;
  • supprimer dans APB la réponse « non mais » offerte aux usagers, compte tenu des risques qu’elle leur fait courir de se retrouver in fine sans aucune proposition ;
  • officialiser et organiser un accueil personnalisé des usagers sans admission dans toutes les académies de la mi-juillet à la fin d’août.

Parmi les autres recommandations du médiateur ne concernant pas spécifiquement l’information des familles :

  • sécuriser juridiquement toutes les procédures utilisées pour l’admission des bacheliers dans l’enseignement supérieur ;

  • intégrer dans APB de nouvelles formations pour tendre à l’exhaustivité. « Plus le nombre de filières intégrées et gérées dans APB sera important, plus la gestion des listes d’attente sera facilitée », note le médiateur ;

  • clarifier la procédure APB pour les étudiants en réorientation interne ou externe ;

  • modifier les pratiques actuelles en matière de surréservation dans les filières.