Les présidents passent et le dossier de la sécurité en Afrique reste en bonne place sur leur bureau à l’Elysée. Depuis le départ de Jacques Chirac, en 2007, ses successeurs ont affiché leur détermination à transmettre le témoin de la sécurité aux Africains le plus tôt possible… Sans résultat. Bien au contraire : après une ébauche de retrait, dans les années 1990, l’armée française est revenue en force sur le continent, principalement dans le Sahel, où plus de 4 000 hommes tentent d’endiguer la montée en puissance des djihadistes dans la région.

Mais on pourrait tout aussi bien citer l’exemple de la Côte d’Ivoire où, au plus fort de la crise des années 2000 dans le pays alors dirigé par Laurent Gbagbo, la France ne cessait de clamer sa volonté de fermer définitivement la base d’Abidjan sitôt les élections organisées. Avant de se raviser.

Une impulsion décisive

Après Nicolas Sarkozy et François Hollande, c’est donc au tour d’Emmanuel Macron de sacrifier à un exercice convenu, et pourtant nécessaire : celui où l’ancienne puissance coloniale affirme vouloir agir « en soutien » aux pays africains, « les premiers concernés » par la sécurité de leur continent. Dimanche 2 juillet, le président Macron accomplira ainsi un geste fort en participant à Bamako au sommet du G5 Sahel aux côtés de ses homologues du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad.

L’Elysée veut donner une impulsion décisive à la formation de cette coalition militaire qui doit rassembler 5 000 hommes et vise à combattre les groupes armés de la région. L’enjeu est d’importance pour Paris : plus vite cette force sera sur pied, plus vite Paris pourra, sinon mettre un terme, du moins réduire le format de l’opération « Barkhane », qui lui coûte au bas mot 600 millions d’euros chaque année.

Or le G5 Sahel est mal parti. En cette veille de sommet à Bamako, seule l’Union européenne a promis de débloquer 50 millions d’euros pour faciliter son envol. C’est peu, très peu même, « à peine 10 % » de la somme nécessaire pour son fonctionnement, selon un bon connaisseur du dossier. Sur le terrain politique, la situation n’est guère plus brillante : à l’ONU, Washington a bloqué le vote d’une résolution rédigée par la France et Paris a finalement dû se contenter d’une maigre déclaration de soutien.

Et ce n’est pas tout. Il y a quelques jours, le président tchadien, Idriss Déby, a fait monter les enchères, laissant planer la menace d’un retrait de ses troupes déployées dans le cadre de la force de l’ONU au Mali, la Minusma. Le dirigeant tchadien a expliqué au Monde que ses troupes ne pouvaient pas être partout, et suggéré fortement que la communauté internationale, à commencer par la France, mette davantage la main au portefeuille si elle voulait réellement soutenir la mise en place du G5 Sahel.

Critiques acerbes de Washington

Cette succession de mauvais signaux n’est pas sans rappeler le scénario qui avait prévalu dans le dossier du Sahel au lendemain de l’arrivée au pouvoir de François Hollande. A peine installé à l’Elysée, le tombeur de Nicolas Sarkozy avait retroussé ses manches pour aider à l’émergence d’une force ouest-africaine chargée de partir à la reconquête du nord du Mali.

Paris avait également conçu et fait voter, après avoir surmonté les critiques acerbes de Washington, une résolution de l’ONU autorisant cette force à utiliser tous les moyens nécessaires pour vaincre les groupes djihadistes et restaurer la pleine souveraineté de Bamako sur l’ensemble du territoire malien. Quelques semaines plus tard, en janvier 2013, Paris lançait dans l’urgence l’opération « Serval » pour stopper net une soudaine offensive des groupes armés en direction du Sud.

Aujourd’hui, qui pourrait décemment s’opposer à l’idée que les pays situés aux premières loges sont les mieux à même d’assurer leur propre sécurité, avec le soutien de puissances extérieures ? Mais, comme en 2012, cette volonté de mobiliser les acteurs locaux se heurte à de graves problèmes de financement, et au manque chronique de moyens des Etats sahéliens.

Les pays du G5 Sahel, combien de divisions ? Quelques milliers d’hommes chacun, qui ont déjà fort à faire. Qu’on songe seulement au cas du Niger, qui partage des frontières communes avec la Libye, le Mali et le Nigeria. Et la principale puissance militaire de la région, l’Algérie, n’entend rien faire qui puisse aider la France, malgré les pressions d’Emmanuel Macron.

Dans ces conditions, la fraîcheur et l’habileté du nouveau président français ne seront sans doute pas des qualités suffisantes pour résoudre la difficile équation sahélienne qui se pose à Paris et qu’on pourrait résumer en ces termes : comment stabiliser durablement cette zone sensible de l’Afrique sans se substituer à des pays qui n’en ont pas les moyens ?