Le temps d’une semaine, le parti de Nelson Mandela devrait prendre des allures de champ de bataille. Vendredi 30 juin, le Congrès national africain (ANC) se réunit pendant sept jours en conférence politique : plus de 4 000 délégués sont attendus à Johannesbourg pour déterminer les grandes orientations du parti au pouvoir. Alors que l’opposition cherche par tous les moyens à faire tomber Jacob Zuma, la question de sa succession risque d’éclipser tous les autres sujets.

Théoriquement, le deuxième mandat du président sud-africain court jusqu’aux prochaines élections générales, prévues pour mai 2019. L’ANC a néanmoins prévu de désigner dès décembre 2017 son nouveau chef, qui sera le candidat du parti à la présidence de l’Etat. Ces prochains jours, la conférence politique va donc servir de répétition générale.

Ex-femme ou vice-président

Pour le moment, le duel de candidats qui se profile prend des allures de référendum sur la personne de M. Zuma. D’un côté, celui-ci a adoubé son ex-femme, l’expérimentée Nkosazana Dlamini-Zuma, 68 ans, perçue comme la plus à même de protéger les intérêts de son clan et de le préserver de nombreuses poursuites judiciaires.

Face à elle, le vice-président Cyril Ramaphosa, 64 ans, a pris la tête des frondeurs au sein du parti. Un syndicaliste réputé, devenu homme d’affaires, il coalise tous ceux qui sont exaspérés par les scandales de corruption à répétition qui entourent le président septuagénaire et plombent son second mandat.

Depuis quelques mois, ce modéré ne retient plus les coups contre le chef de l’Etat. Les récentes révélations des « GuptaLeaks » sur la capture de l’Etat par la richissime famille indienne Gupta, proche de M. Zuma, qui défraient la chronique depuis début juin, sont du pain bénit pour sa ligne anti-corruption. « Notre mouvement va mal, le pays va mal. Nous avons beaucoup de ressources, mais plusieurs mauvaises personnes à des postes clés », a déclaré Cyril Ramaphosa, le 18 juin, lors d’une réunion locale du parti à Stellenbosch (ouest).

Dans cette tempête politique, Mme Dlamini-Zuma fait profil bas. Tout juste est-elle sortie de sa réserve le 16 juin dernier pour accepter d’être nominée comme candidate à la présidence. « Je suis prête à diriger. Je ne peux refuser en aucun cas la responsabilité qui m’est donnée », a t-elle déclarée, sans ferveur, devant la ligue des jeunes de l’ANC.

Motion de censure

Plusieurs fois ministre - à la santé, aux affaires étrangères et à l’intérieur -, Mme Dlamini-Zuma présidait jusqu’en janvier dernier la commission de l’Union africaine. C’est la première femme de l’histoire de l’ANC à concourir à la présidence de la république sud-africaine, depuis la création du mouvement en 1912.

Peu populaire auprès des militants, contrairement à son ex-mari, elle a néanmoins engrangé les soutiens de la ligue des jeunes, de la ligue des femmes, et d’une partie des anciens combattants. « Vous ne gagnez pas en faisant des déclarations dans les médias comme Ramaphosa, il faut faire du lobby dans les branches de l’ANC. Et Dlamini-Zuma a ses troupes en ordre de marche », rappelle l’analyste politique indépendant Ralph Matera.

Compte tenu du système de vote propre à l’ANC, où il suffit du soutien de certaines branches décisives pour remporter la présidence du parti, l’ancienne ministre a toutes ses chances. Et ce, en dépit du lourd bilan de Jacob Zuma, qui devrait à nouveau faire face à une motion de censure au Parlement dans les prochaines semaines.

Ce serait, pour l’opposition, un scénario rêvé. « Un vote pour Dlamini-Zuma devient un vote pour la corruption », résume Ralph Matera. Alors que l’ANC est confronté à sa pire crise depuis son accession au pouvoir en 1994, à la fin de l’apartheid, elle pourrait mener son parti à la débâcle électorale en 2019.

Coalition de l’opposition

Aux élections municipales de l’été 2016, l’ANC n’avait rassemblé que 55,33 % des suffrages et perdu des villes importantes, comme Johannesbourg ou Pretoria. Sans majorité, l’ANC pourrait faire face à une coalition de circonstance entre les libéraux de l’Alliance démocratique (SA) et les radicaux des Combattants pour la liberté économique (EFF).

Dès vendredi, la conférence politique sera donc l’occasion pour les observateurs externes de guetter les déclarations des uns ou des autres, de constater qui déclenche la ferveur des partisans, ou qui reçoit les louanges des militants. C’est la seule manière de savoir de quel côté penche le parti, afin de lever quelque peu l’incertitude politique dans laquelle l’Afrique du Sud est plongée.