• Johannes Brahms
    Die schöne Magelone
    Christian Gerhaher (baryton), Gerold Huber (piano)

Pochette de l’album « Die schöne Magelone », par Christian Gerhaher (baryton) et Gerold Huber (piano). | BR KLASSIK/SONY MUSIC

Christian Gerhaher est l’un des meilleurs Liedesänger actuels. Sens aiguisé du mot, ligne de chant naturelle, intelligence et profondeur du propos, le baryton allemand possède un art de diseur troubadour qui laisse pantois d’admiration. Ludwig Tieck a tiré de la légende, qui narre les amours de la belle Maguelonne avec le comte Pierre de Provence, une quinzaine de Lieder entrecoupés de textes récités : difficile de se frayer un chemin dans ces romances qui n’ont pas la fluidité narrative des cycles schubertiens ou schumanniens. Mais Gerhaher le poète capte l’attention, qu’il soit dans la ferveur de la rencontre ou dans la joie de la chevauchée, passe du lyrisme amoureux au désespoir le plus éclatant, chante le plus beau des lamentos ou se console en des retrouvailles recueillies. Il est accompagné par un pianiste de premier ordre, Gerold Huber, dont le jeu mouvant, intense et raffiné développe des bonheurs de subtilité dans la densité polyphonique de cette musique qui préfigure les grands lieder avec orchestre à venir. Marie-Aude Roux

1 CD BR Klassik/Sony Music.

  • Nina Miranda
    Freedom of Movement

Pochette de l’album « Freedom Of Mouvement », de Nina Miranda. | SIX DEGREES RECORDS/CAROLINE

Elle a commencé sa vie au Brésil, a connu Londres à 8 ans, avant d’habiter en France. Puis elle est retournée s’installer à Londres, tout en multipliant les allers-retours au Brésil, pays natal de son père également, le peintre Luiz Aquila. Londres, on l’y a découverte à la fin des années 1990, chanteuse du groupe de trip-hop mâtiné de bossa nova Smoke City. Nina Miranda dit « bouger beaucoup ». Comme sa musique et ses chansons. L’album s’appelle Freedom of Movement, « liberté de mouvement ». Le nom sonne juste. C’est une fusion libre, une matière sonore (« mes rêves soniques », dit-elle sur la pochette), entremêlant électro et acoustique, une succession de chansons et d’ambiances délurées, gambadant d’une atmosphère à l’autre, funky, pop (reprise de Julia de Lennon et McCartney) ou sensuelles et aquatiques. Ensoleillées, sans être niaises. La dame veut de l’action et de la réaction. « Gate me out of the cage ! » « Sortez-moi de la cage », clame la chanteuse dans The Cage. On y entend la voix de Chico César, un des nombreux invités qui l’entourent, dont le percussionniste Anselmo Netto et le guitariste Kari Bannerman. Patrick Labesse

1 CD Six Degrees Records/Caroline.

  • Flotation Toy Warning
    The Machine that Made Us

Pochette de l’album « The Machine that Made Us », de Flotation Toy Warning. | TALITRES/DIFFER-ANT/BELIEVE

Un premier album, Bluffer’s Guide to the Flight Deck, en 2004, beau recueil de pop à la fois élégante et un rien étrange. Puis un long moment de quasi-silence – deux ou trois enregistrements épars, quelques concerts – de la part de la formation londonienne Flotation Toy Warning. Et voici The Machine that Made Us, deuxième album donc, avec une équipe presque inchangée, le chanteur Paul Carter, les bassiste et guitariste Ben Clay et Nainesh Shah, la claviériste Vicky West et au poste de batteur, Steve Swindon, qui a remplacé Colin Coxall. Dix chansons, comme hier, prenantes, flottantes, mélodies gracieuses aux arrangements d’autant plus soignés qu’ils sont sobres – un son d’orgue lointain, un effet de trompette ou d’ensemble de cordes, une ligne de guitare en contre-chant, un ostinato de basse, des chœurs… –, une manière un peu hantée de bout en bout. Simplement beau. Sylvain Siclier

1 CD Talitres/Differ-ant/Believe.

  • Sibusile Xaba
    Open Letter to Adoniah/Unlearning

Pochette de l’album « Open Letter to Adoniah/Unlearning », de Sibusile Xaba. | MUSHROOM HOUR HALD HOUR/LA BALEINE

Le guitariste Sibusile Xaba appartient à cette nouvelle génération de musiciens de jazz sud-africains, du combo The Brother Moves On au saxophoniste Shabaka Hutchings, qui revisite leur héritage tout y en apportant une modernité. Originaire du KwaZulu-Natal, Xaba s’appuie, pour ses expérimentations, sur le Maskandi, le folk zoulou de sa région, et sur ses deux percussionnistes, Moahanganai Magagula et Thabang Tabane. Ce dernier, fils de l’inventeur du courant Malombo dans les années 1960, Dr. Philip Tabane, apporte une dimension spirituelle au premier volet de ce double album qui se veut une lettre du fils à son père chanteur-guitariste. De l’inspirant Nomaphupho au plus classique Emazulwini se dégage une sensation de paix intérieure. Le second, Unlearning, plus court, qui, lui, a été supervisé par le pianiste Nduduzo Makhathini, revient sur des terres jazz plus connues où Sibusile Xaba démontre sa virtuosité en scattant, conversant avec la batterie de Bonoko Nkoane ou la basse d’Ariel Zamonsky. Comme la pochette des deux albums, sa musique bien enracinée nous laisse comme en apesanteur. Stéphanie Binet

2 CD Mushroom Hour Hald Hour/La Baleine.

  • Fleet Foxes
    Crack-Up

Pochette de l’album « Crack-Up », de Fleet Foxes. | NONESUCH/WARNER

Après quatre années de mise en sommeil pendant lesquelles leur leader, Robin Pecknold, a choisi de reprendre ses études de littérature anglaise à l’université de Columbia, les Fleet Foxes publient un troisième album au titre fitzgéraldien (The Crack-UpLa Fêlure – une nouvelle de l’auteur de Gatsby le magnifique). Si leurs deux précédents opus, les magnifiques Fleet Foxes (2008) et Helplessness Blues (2011), ne manquaient pas de références lettrées ni d’ambitions artistiques, il semble que cette parenthèse universitaire ait entraîné le groupe de Seattle vers encore plus de profondeur et de complexité. Car si l’on retrouve les chœurs célestes, la mélancolie folk et les arrangements luxuriants caractérisant leur signature sonore, nombre de morceaux fragmentent, juxtaposent et tordent les harmonies, comme pour mieux figurer les méandres d’une quête existentielle. Cette audace peut se révéler fascinante (Naiads, Cassadies ; Cassius), mais aussi d’une prétention irritante (Mearcstapa, Fool’s Errand, plus proches des afféteries de Van Dyke Parks que du génie de Brian Wilson). La limpidité de Kept Woman ou de l’émouvant If You Need to, Keep Time on Me, prouve heureusement que les Américains savent encore se contenter de pureté mélodique. Stéphane Davet

1 CD Nonesuch/Warner.

  • Claude Delvincourt
    L’Œuvre pour piano volume 1
    Croquembouches. Prélude et fugue. Menuet. Gavotte. Valse. Galéjade. Cinq Pièces
    Diane Andersen (piano)

Pochette de l’album « Claude Delvincourt. L’Œuvre pour piano volume 1 », par la pianiste Diane Andersen. | AZUR

Claude Delvincourt (1888-1954) est principalement resté dans les mémoires pour avoir dirigé le Conservatoire de Paris en des temps difficiles (il fut nommé en 1941). On oublie qu’il a été un éminent chef d’orchestre (au point de créer, entre autres, la première œuvre symphonique d’Henri Dutilleux) et un compositeur en vogue (Prix de Rome 1913). Toutes les pièces de ce programme sont enregistrées pour la première fois, c’est dire… Et pourtant, elles ont de quoi séduire : technique, goût, esprit. Diane Andersen fait d’emblée flamber le piano pour une Omelette au rhum qui mériterait plusieurs étoiles au guide Debussy. Les autres Croquembouches (recueil publié en 1926) sont aussi des régals, y compris la dose finale d’Huile de ricin. Cinq inédits de jeunesse (avec une Gavotte qui se souvient d’Edvard Grieg) et Cinq pièces de 1923 complètent cet alléchant premier volume. Pierre Gervasoni

1 CD Azur.