Le milieu chilien Arturo Vidal, le 28 juin, à Kazan. | YURI CORTEZ / AFP

Claudio Bravo aura traversé une saison particulièrement contrastée. Moqué par les tabloïds anglais pour ses bourdes à répétition avec son club de Manchester City, fragilisé par les blessures, le gardien et capitaine du Chili s’est mué en dieu vivant, mercredi 28 juin, à Kazan (Russie), en hissant sa sélection en finale de la Coupe des confédérations. En arrêtant trois penalties lors d’une séance de tirs au but crispante face au Portugal, le portier de 34 ans a donné le droit à la « Roja » de défier les champions du monde allemands, ou plutôt leur équipe B, dimanche 2 juillet, au Stade Krestovski de Saint-Pétersbourg.

Au-delà du cas Claudio Bravo, cette performance met surtout en lumière la spirale vertueuse du Chili, puissance montante du football sud-américain. En une décennie, « El equipo de todos » a grimpé avec célérité les échelons au classement FIFA, passant d’une peu flatteuse 45e place, en 2007, au 4e rang, cette année. En Russie, elle confirme la dynamique sentie lors des bons parcours réalisés lors du Mondial 2010, en Afrique du Sud, et surtout lors de l’édition 2014. Au Brésil, les Chiliens s’étaient inclinés (1-1) aux tirs au but face à une Seleçao à fleur de peau, à Belo Horizonte, en huitièmes de finale.

Une génération talentueuse

Ces performances encourageantes ont été couronnées par deux premiers titres obtenus en Copa América. Dans « son » Estadio National de Santiago, la « Roja est portée en triomphe, en juillet 2015, sortant victorieuse (0-0) de la séance des tirs au but face à l’Argentine de Lionel Messi. L’année suivante, le scénario se répète en finale de la Copa América Centenario- élargie à seize équipes pour le centenaire de la compétition- et le Chili conserve son titre au nez et à la barbe d’Albicelestes définitivement maudits.

Le mérite en revient à une génération de joueurs talentueux incarnée par la paire d’attaquants composée du buteur d’Arsenal, Alexis Sanchez, et d’Eduardo Vargas, ou par le milieu du Bayern Munich, Arturo Vidal, et le défenseur de la Juventus Turin, Mauricio Isla. Cette phalange créative et expérimentée a mis un terme à une période de disette entamée par le crépuscule du célèbre duo Zamorano-Salas, au début des années 2000. Auparavant, le Chili s’était surtout distingué par son épopée lors de « son » Mondial, en 1962. Emmenée par son buteur Leonel Sanchez, l’équipe hôte du tournoi avait terminé à la troisième place, après avoir été éliminée, en demi-finales, par le Brésil de Garrincha et Vava.

Le legs de Marcelo Bielsa

Pour Harold Mayne-Nicholls, ex-président de la Fédération chilienne et chroniqueur pour la « Television nacional » durant la Coupe des confédérations, la renaissance de la Roja est à mettre au crédit de l’insondable Marcelo Bielsa, ex-coach de l’Olympique de Marseille (2014-2015) et patron de la sélection durant trois ans et demi (2007-2011). « Quand j’ai amené Bielsa, mon but était de satisfaire le peuple chilien en lui apportant ce qu’il voulait : se sentir fier de son équipe nationale, raconte au Monde M. Mayne-Nicholls. J’ai demandé à Bielsa trois choses : discipline, rigueur, humilité. »

Avec son schéma tactique en 3-4-3 et ses innovations en matière de formation, l’actuel entraîneur de Lille amorce le redressement du Chili. « Ce qu’il s’est passé en dix ans coïncide avec un changement complet de mentalité chez nos joueurs. Il faut aussi pointer leur bonne qualité. Les raisons de cette dynamique sont multiples », développe Harold Mayne-Nicholls.

L’ex-président de la Fédération chilienne rend aussi hommage aux successeurs de Marcelo Bielsa : les techniciens Jorge Sampaoli (2012-2016) et Juan Antonio Pizzi (depuis 2016). Ancien international espagnol (1994-1998) et ex-attaquant du FC Barcelone (1996- 1998), ce dernier a prolongé l’œuvre de ses prédécesseurs en apposant sa marque. Et ce même si la Roja, quatrième au classement des éliminatoires dans la zone sud-américaine, souffre actuellement pour valider son billet pour le Mondial russe de 2018.

« Continuer à travailler pour étirer l’histoire »

« Je suis fier de mes joueurs, qui sont eux-mêmes fiers de représenter le Chili à chaque fois, a déclaré Juan Antonio Pizzi, 49 ans, après la demi-finale de la Coupe des confédérations contre le Portugal. Nous travaillons avec beaucoup d’humilité, sachant la responsabilité que nous avons. Nous allons continuer à travailler pour étirer l’histoire qui est en train de se dérouler actuellement dans le foot chilien. Nous méritons d’être en finale. »

Pour battre l’impitoyable machine allemande, qu’elle avait accrochée (1-1) au premier tour, la Roja devra faire preuve, dimanche, d’une discipline de fer et d’inventivité. Et si la décision devait se faire lors de la séance de tirs au but, les joueurs chiliens s’en remettront au sang froid et à l’expertise, dans cet exercice, de leur gardien et capitaine Claudio Bravo.