Les coureurs de la Sky Geraint Thomas, Vasil Kiryienka et Christopher Froome, avant le départ de la deuxième étape. | CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

« T’as qu’à l’emprunter, on verra quel temps tu fais. » Le maillot jaune Geraint Thomas a perdu son sourire charmeur en conférence de presse après la deuxième étape, dimanche 2 juillet, lorsqu’on l’a interrogé sur la combinaison enfilée par les coureurs de la Sky lors du contre-la-montre de Düsseldorf, première étape de ce Tour de France 2017.

La polémique est née au départ sur les bords du Rhin, ce dimanche matin, à l’initiative du directeur de la performance de l’équipe FDJ Frédéric Grappe. Selon le scientifique, la combinaison portée par quatre coureurs de la Sky (dont Thomas et Froome), qui ont tous fini dans les sept premiers de l’étape, dérogeait au règlement UCI.

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« Gain de 18 à 25 secondes »

Elle recelait, sur les bras et les épaules, des bandes de petites billes d’air permettant d’améliorer l’aérodynamisme du coureur, un système appelé « générateur de vortex ». Citant une étude américano-canadienne, parue en 2016 dans la revue scientifique « Engineering of sport », Frédéric Grappe calculait que le gain de puissance généré par cet ajout aérodynamique était de 24 à 33 watts. Soit, sur le contre-la-montre de Düsseldorf, un gain en temps de 18 à 25 secondes ! Geraint Thomas ayant remporté l’épreuve avec une marge de cinq secondes. Un calcul validé par un professeur d’aérodynamique de l’université d’Eindhoven, interrogé par le site internet de L’Equipe.

Samedi soir, les commissaires de l’Union cycliste internationale, découvrant à la télévision ces petites billes d’air, ont convoqué les patrons de l’équipe Sky pour inspecter la combinaison. Et en ont tiré la conclusion que, comme ce n’était pas « un élément ajouté sous la combinaison, mais un élément de la combinaison », ils n’avaient rien à y redire.

Le règlement UCI semble pourtant clair :

« Il est interdit de porter des vêtements ou des combinaisons moulantes auxquels ont été ajoutés des éléments non essentiels destinés à améliorer les propriétés aérodynamiques. »

L’interprétation du règlement aurait-elle été la même si Geraint Thomas n’avait pas été le premier maillot jaune du Tour, et Christopher Froome son triple vainqueur ?

La FDJ mène la fronde

Au départ de Düsseldorf, la FDJ a tenté d’embarquer l’équipe BMC de Richie Porte, annoncé comme le principal rival de Froome, dans un dépôt de réclamation. Mais les commissaires leur ont répété avoir déjà rendu leur verdict dans l’affaire.

Ce qui n’a pas calmé Frédéric Grappe, très remonté :

« Cet hiver, le nouveau règlement que l’on a reçu précisait que les matières plastiques étaient maintenant autorisées dans le textile des combinaisons. Nous avons fait faire différentes combinaisons, en insérant du plastique pour voir si c’était plus pénétrant (dans l’air), mais en aucun cas on se serait autorisé à ajouter des vortex ! On les a testés il y a déjà trois ans en soufflerie : les effets sont hyper intéressants. (…) Aux commissaires d’appliquer les règles, sinon dans le contre-la-montre de Marseille (20e étape), on pourra modifier la forme du corps en intégrant des petits coussinets dans les combinaisons, et on ira plus vite. »

« On ne prendrait pas le risque de tricher »

L’équipe Sky, de son côté, a assuré que la combinaison respectait le règlement de l’UCI. Geraint Thomas a sèchement répondu avoir porté la même tenue lors du Tour d’Italie, où il avait remarqué une remarquable performance – deuxième du contre-la-montre au lendemain d’une lourde chute. Et Nicolas Portal, directeur sportif, assurait dimanche matin que l’équipe britannique n’était pas la seule à avoir eu une bonne idée :

« Il y a plein d’équipes qui font ça. D’autres très grosses équipes l’ont fait, je ne donnerai pas de nom mais regardez. C’est légal. Tout est validé, on ne prendrait pas le risque de tricher et de perdre le Tour de France le premier jour. Si ce sont effectivement 25 secondes de gagnées, la FDJ aurait dû faire la même combinaison… A chaque équipe de bosser les règles et de chercher les petits endroits où l’on peut s’améliorer. »

Sans surprise, l’équipe française n’a trouvé aucun allié dans sa fronde contre la meilleure équipe du Tour. Manager de la BMC, l’expérimenté Jim Ochowicz ne disait pas un mot plus haut que l’autre, concédant simplement que la chose lui semblait « à la limite de la légalité ». Et un membre de la FDJ confie au Monde, sous couvert de l’anonymat, qu’il espère que l’opération ne se retournera pas contre elle. Les patrons du peloton ont généralement la mémoire longue.