C’est un exercice inédit en début de mandat. Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, va monter, lundi 3 juillet, à la tribune du Congrès, la veille de la déclaration de politique générale du premier ministre, Edouard Philippe, ainsi devancé. A 15 heures, le président déterminera les « priorités » de son quinquennat et s’adressera pendant près d’une heure aux deux chambres du Parlement réunies en Congrès.

Selon le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, il s’agira d’une sorte de « discours sur l’état de l’Union », comme celui prononcé chaque année par le président américain. Au chef de l’Etat « les grandes orientations », au premier ministre leur « mise en œuvre », a-t-il résumé.

Cette allocution du chef de l’Etat sera suivie avec d’autant plus d’attention que celui-ci a déjà fait savoir qu’il ne se prêterait pas à la traditionnelle interview du 14 juillet, et a vocation à devenir un « rituel » annuel, « conformément à un engagement de campagne », précise-t-on à l’Elysée. A l’issue de son discours, Emmanuel Macron quittera l’hémicycle pour faire place à un débat sans vote.

Quels seront les thèmes abordés ? L’Elysée ménageait encore le suspense dimanche soir. « Comme il ne s’agit pas d’une déclaration de politique générale, le cœur de son discours ne peut pas être la réforme du travail », a tout juste glissé l’entourage du président. L’évolution des institutions pourrait en revanche représenter un « élément important » du propos présidentiel.

« Dimension pharaonique »

Le choix du président a toutefois créé la polémique. Chef de file des députés Les Républicains (LR), Christian Jacob a encore mis en garde, dimanche, contre un « pouvoir sans partage », estimant que ce discours allait « forcément écraser l’intervention du premier ministre » prévue mardi. Il s’agit d’une « humiliation totale », a renchéri le député LR Eric Ciotti.

Parmi les 577 députés et 348 sénateurs, conviés à Versailles où ils seront classés par ordre alphabétique dans l’hémicycle, certains ont d’ores et déjà annoncé qu’ils boycotteraient la séance. C’est le cas des députés du groupe La France insoumise (LFI), dont leur chef de fil Jean-Luc Mélenchon et des parlementaires communistes.

Emmanuel Macron a « franchi un seuil dans la dimension pharaonique de la monarchie présidentielle » en ravalant son premier ministre au rang de « collaborateur », a réagi le président du groupe LFI.

Le député UDI, Jean-Christophe Lagarde, a également déploré le fait que le chef de l’Etat « passe son temps à faire à la fois le travail de président de la République et de premier ministre ».

Réforme de 2008

Ancien président du Conseil constitutionnel et de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré a jugé pour sa part qu’il n’y avait « rien de nouveau » sous la Ve République avec cette initiative.

La révision constitutionnelle de 2008 permet, en effet, au président de s’exprimer devant le Congrès. François Hollande l’avait d’ailleurs fait en novembre 2015 après les attentats. Avant la réforme constitutionnelle, le chef de l’Etat pouvait seulement faire lire un message par le premier ministre, possibilité dont avaient usé le général de Gaulle, Georges Pompidou ou François Mitterrand.