Édouard Philippe a donné dans les annonces concrètes, dans un discours de plus d’une heure régulièrement applaudi par sa large majorité pro-Macron | Michel Euler / AP

Paquet de cigarettes porté « progressivement » à 10 euros, vaccins obligatoires pour les enfants, réforme du bac… Au lendemain de l’intervention solennelle d’Emmanuel Macron devant le Congrès à Versailles, Édouard Philippe a donné dans les annonces concrètes, dans un discours de plus d’une heure régulièrement applaudi par sa large majorité pro-Macron.

Après le premier ministre, les représentants des groupes parlementaires devaient prendre la parole : Richard Ferrand (LRM), Christian Jacob (LR), Marc Fesneau (MoDem),
Stéphane Demilly (Constructifs), Olivier Faure (PS), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Sébastien Jumel (PC) et Jacques Bompard (non inscrit).

Gilles Le Gendre (LRM) a répondu aux critiques sur le flou du financement des mesures annoncées : « Sur le financement, nous n’étions pas à la présentation d’une loi de finances : nous savons que la situation financière du pays est dégradée et nous allons la rétablir en revenant aux 3 % de déficit. Il n’y aura pas de nouvel impôt à part la CSG, et le financement des mesures annoncées se fera par des coupes dans les dépenses. »

Opposition exigeante pour Christian Jacob

Dans son intervention, le chef de file des députés LR, Christian Jacob, a reproché à Edouard Philippe d’avoir « contribué à la défaite » de ses « anciens collègues » avec sa nomination à Matignon.

« Vous avez été nommé pour assurer une majorité parlementaire au président de la République, peut-être même les mauvaises langues le disent pour casser la droite française. Vous rêviez d’avoir votre groupe parlementaire charnière. Il n’existe pas. Vous n’avez guère qu’une petite partie d’un petit groupe, petit à tous points de vue. Nous sommes là et bien là. Fiers de pouvoir incarner une opposition républicaine solide, libre et exigeante. Déterminés à ne pas vous laisser le monopole d’une confrontation stérile et dangereuse avec l’extrême gauche et l’extrême droite ».

Le député LR de l’Oise Eric Woerth a confié : « Ce sont des discours ratés, ils ne sont pas allés au bout des choses. » « Le président de la République a donné un cap trop littéraire, le premier ministre n’est pas rentré dans le détail des mesures. Les mesures de pouvoir d’achat viennent avant les mesures de compétitivité. Ces dernières ont été peu détaillées et remises à 2019, ce qui signifie que ce n’est pas la priorité, alors que c’est la mère des batailles. »

Jean-Luc Mélenchon dénonce « un coup d’Etat social »

Jean-Luc Mélenchon a confirmé que le groupe de La France insoumise ne voterait pas la confiance : « Nous ne voterons pas le soutien au gouvernement, vous le saviez. Nous serons le seul groupe dont aucun des membres ne votera le soutien ». Le député des Bouches-du-Rhône a poursuivi :

« Vous vous donnez huit jours pour disposer par le moyen des ordonnances du droit de renverser tout l’ordre public, social, de notre pays, et sa hiérarchie des normes. Huit jours pour abolir les résultats de cent ans de lutte et de compromis social. (…) Vous voulez tout disloquer en deux votes. Nous appelons cela un coup d’Etat social. Et nous, parlementaires, nous n’aurions pas le droit de toucher une ligne, une virgule de ces textes (…) ? Qui vous a demandé de le faire ? Sinon le Medef, une organisation sans représentativité, accaparant la parole de tous les patronats. Le peuple de métier aspire à autre chose ».

« Faire frémir les classes populaires », pour Marine Le Pen

Dans les couloirs de l’Assemblée, Marine Le Pen, la responsable du FN et députée du Pas-de-Calais, a critiqué la prestation du premier ministre.

« Autant on a eu un show aérien hier (lundi) avec le président de la République, autant aujourd’hui on était totalement au ras des pâquerettes. Entre les deux, on aurait pu trouver un juste équilibre. Il y a eu beaucoup d’annonces qui vont faire frémir les classes populaires : augmentation du prix du tabac, du diesel… Ça va tomber dru et c’est contraire à ce qui a été annoncé pendant la campagne.

« j’y ai vu des manques considérables : pas un mot sur la sécurité, qui est quand même une des préoccupations très importantes des Français (…) pas un mot sur la manière dont on va lutter contre le fondamentalisme islamiste (…) pas véritablement de ligne sur comment allons nous lutter contre le chômage massif, pas un mot sur la concurrence internationale déloyale », a-t-elle égrené.

Pour la députée du Pas-de-Calais, c’était « en fait un vaste discours de soumission à la feuille de route imposée par Bruxelles de réduction des dépenses publiques », avec en revanche « une augmentation de la fiscalité ». Cela annonce un « mauvais temps pour les classes populaires, un mauvais temps pour les classes moyennes, qui vont très vite déchanter par rapport aux promesses qui étaient celles du président de la République pendant la campagne », a-t-elle estimé.

Au PS, l’abstention au nom de la liberté

Olivier Faure, président du groupe Nouvelle Gauche, qui rassemble les socialistes, a demandé au premier ministre « quelle sera(it) (sa) marque ». « La République en marche se veut ambidextre, elle a surtout été pour le moment ambiguë. De quelle main écrirez-vous donc la politique de la nation dont vous avez la charge ? Monsieur le premier ministre, nous partageons nombre de vos objectifs, la recherche du compromis n’est pas condamnable, (ce qui l’est) c’est de laisser penser qu’il y a une seule réponse, celle de la pensée unique ». Il a conclu en expliquant que son groupe « a choisi de s’abstenir ». « Cette abstention dit notre liberté, celle de vous approuver comme celle de vous combattre ».