Un soldat regarde une vidéo du décollage du missile nord-coréen, à Séoul, le 4 juillet. | JUNG YEON-JE/AFP

La Corée du Nord a annoncé, mardi 4 juillet, avoir procédé à son premier tir de missile balistique de portée intercontinentale. Il aurait volé 39 minutes, atteignant une altitude de 2 800 km, avant de s’abîmer en mer à 930 km de son pas de tir, dans la zone économique exclusive du Japon. Selon certains experts, Pyongyang aurait ainsi la capacité, en tirant à un autre angle, de viser l’Alaska.

Pour Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, ces progrès techniques indéniables ne modifient pas fondamentalement les rapports de force dans la région.

Quelles sont les conséquences du tir effectué mardi par la Corée du Nord ?

Ses menaces sont à prendre au sérieux. La Corée du Nord a procédé à de nombreux tirs d’essai de missiles, dont beaucoup ont été des échecs, mais qui à chaque fois lui ont manifestement permis de progresser technologiquement. La Corée du Nord consacre tous ses efforts, sans se soucier des pressions internationales, à développer un missile intercontinental. C’est-à-dire à être capable d’atteindre les Etats-Unis avec une tête nucléaire. Les Japonais confirment que pour la première fois la portée du missile pourrait être suffisante pour frapper l’Alaska mais pas les autres Etats américains.

Les progrès sont certains, même si on pense que la Corée du Nord ne sait pas encore installer une tête nucléaire sur ce type de missile. Ce qui est frappant, c’est que la Corée du Nord, en dépit de toutes les pressions, ne se sent pas du tout tenue de suspendre ses essais nucléaires ou balistiques.

Ces progrès modifient-ils le rapport de force ?

On est loin d’un bouleversement. D’une part parce que, malgré leurs progrès, la Corée du Nord n’a pas encore la capacité technique de frapper les Etats-Unis. Mais surtout du fait de la dissuasion, car l’objectif de Pyongyang est de survivre, pas de lancer une bombe atomique sur le territoire américain. Une telle réaction se traduirait par une riposte immédiate des Etats-Unis qui signifierait la fin du régime nord-coréen. Cela n’en complique pas moins les choses dans les relations entre Etats-Unis et Corée du Nord.

Malgré les demandes des Etats-Unis, la Chine est réticente à durcir le ton face à Pyongyang…

La difficulté des Chinois est de ne pas être sortis de leurs contradictions. Ils veulent à la fois apparaître comme une puissance responsable, ne pas trop irriter la puissance américaine et leurs voisins. C’est pourquoi ils votent les sanctions et adoptent des mesures contre la Corée du Nord. Mais ils ne veulent pas non plus provoquer un effondrement du système nord-coréen. Cela risquerait d’arriver s’ils coupaient totalement les approvisionnements énergétiques, s’ils mettaient un terme à toute relation commerciale ou s’ils contrôlaient véritablement les entreprises chinoises qui continuent à travailler avec la Corée du Nord.

Les Chinois considèrent jusqu’à présent que la menace d’une Corée réunifiée, avec l’armée américaine à leurs portes, est plus importante que celle d’une Corée du Nord très affaiblie et disposant d’une capacité nucléaire. D’autant que les Chinois estiment que cette capacité nucléaire n’est pas dirigée contre eux.

Face à cette situation, que peut le président américain, Donald Trump ?

Les choses peuvent changer avec Trump : il a déjà envoyé des signaux indiquant qu’il pourrait s’attaquer directement aux intérêts chinois qui continuent d’avoir des relations avec la Corée du Nord, y compris des banques chinoises. Par ailleurs, il menace d’une éventuelle action militaire ciblée contre la Corée du Nord et notamment ses installations balistiques ou nucléaires – ce serait évidemment une solution catastrophique pour Pékin. Si la Chine considère que finalement la menace de riposte de la part des Etats-Unis devient trop importante, il est possible qu’elle change de stratégie face à la Corée du Nord.