Au lendemain de l’annonce du premier ministre, la ministre de la santé Agnès Buzyn a détaillé mercredi 5 juillet, lors d’une conférence de presse, la mise en place de l’obligation vaccinale. Un texte de loi va être présenté à la fin de l’année pour rendre obligatoires onze vaccins pour les enfants de moins de deux ans. Aujourd’hui, seuls trois vaccins sont obligatoires : diphtérie, tétanos et poliomyélite (DTP). Huit autres sont seulement recommandés. Ce sont les vaccins contre la coqueluche, le virus de l’hépatite B, la bactérie Haemophilus influenzae, le pneumocoque, le méningocoque C (bactérie provoquant les méningites) et les virus de la rougeole, des oreillons et de la rubéole. Un tournant majeur.

Ces dispositions devraient entrer en vigueur début 2018. Ce texte devrait être intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui sera discuté par le Parlement cet automne, a-t-on précisé au ministère. En pratique, l’extension à onze vaccins obligatoires « représente 10 injections pour les enfants, étalées sur 2 ans », toujours selon le ministère. Au moins 70 % des enfants reçoivent déjà ces 10 injections et 80 % d’entre eux au moins 8 injections.

« La couverture vaccinale est insuffisante en France », estime Agnès Buzyn. Selon la ministre, cette décision répond à un problème de santé publique, celui de la réapparition de certaines maladies. Alors que pour éradiquer une maladie, le seuil de vaccination doit dépasser 95 %, ce taux se situe entre 70 et 85 % selon les vaccins en France, a-t-elle rappelé. « La vaccination a permis de sauver des millions de vies », a-t-elle martelé. Or, depuis 2008, la rougeole a causé la mort de 10 personnes en France. « C’est intolérable, nous ne pouvons accepter que des enfants et adolescents meurent parce qu’ils n’étaient pas vaccinés », a ajouté Agnès Buzyn.

« Nous n’avons pas assez expliqué le bien-fondé de la vaccination »

Pour autant, le défi est de taille. Il s’agit de restaurer la confiance. Si Agnès Buzyn a affirmé que « l’immense majorité des professionnels de santé la soutiennent », des voix s’élèvent pour s’opposer à cette décision. La députée européenne Michèle Rivasi a indiqué qu’il fallait « convaincre plutôt que contraindre » pour restaurer la confiance, et notamment de ceux qui doutent de l’innocuité des vaccins. Des pétitions fleurissent sur Internet.

A cela, la ministre répond : « les vaccins sont un produit sûr, c’est un fait scientifique avéré. Les bénéfices sont largement supérieurs aux risques ». Comment expliquer une telle défiance ? « Nous n’avons pas assez expliqué le bien-fondé de la vaccination », explique Agnès Buzyn.

Pour cela elle dit « compter sur les médecins et sur la presse pour faire de la pédagogie » et mettra en place des mesures d’accompagnement. « Un rendez-vous annuel sera instauré pour faire l’état des lieux de la vaccination en France », précise le ministère.

Des discussions vont par ailleurs être engagées avec les laboratoires pharmaceutiques pour éviter les pénuries, concernant entre autres le vaccin contre l’hépatite B. Des pénuries qui, bien souvent, freinent la vaccination.

Pris en charge à 100 %

Quant à la question de la prise en charge, « tous les vaccins obligatoires seront pris en charge à 100 % : 65 % de leur prix est remboursé par l’Assurance-maladie, 35 % par les assurances complémentaires qui offrent un contrat responsable », a précisé le ministère. « Le surcoût pour l’Assurance-maladie de l’extension vaccinale est estimé entre 10 et 20 millions d’euros », a détaillé la ministre.

Si elle a concédé ne pas aimer « imposer l’obligation », elle se justifie et insiste : « la vaccination n’est pas seulement un acte individuel, elle est également destinée à protéger son entourage, notamment les personnes les plus fragiles. »

Le gouvernement a aussi pris cette décision en raison du calendrier imposé par le Conseil d’Etat. La coexistence vaccins obligatoires/recommandés est « un héritage historique, sans fondement scientifique ». Depuis 2008, le DTP seul n’est plus commercialisé et les laboratoires l’associent à d’autres vaccins recommandés sous forme de vaccins polyvalents, vendus plus chers. En février, le Conseil d’État a fustigé cette incohérence et donné six mois au ministère pour la lever, soit jusqu’au 8 août. Le texte de loi sur l’extension de l’obligation vaccinale sera rédigé avant cette date pour répondre à l’injonction du Conseil d’Etat, a-t-on précisé au ministère.