Romain Bardet lors de la première étape du Tour 2016. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Les leadeurs du Tour de France sauront, mercredi 5 juillet dans l’après-midi, dans la montée vers la Planche des Belles Filles, où se situe leur place dans la hiérarchie de ce début d’épreuve. Sur une montée sèche, et alors que leurs réserves ne sont pas entamées, ils pourront faire de cette ascension un round d’observation ou, à l’inverse, donner leur pleine puissance. Justement, quelle est-elle ?

La puissance développée par les coureurs dans les cols est depuis longtemps un sujet d’intérêt pour les entraîneurs. Elle est devenue ces dernières années un sujet d’intérêt médiatique. Notamment parce que, dans plusieurs cas, l’explosion de la puissance développée par certains coureurs a fait naître des soupçons de dopage, ensuite avérés.

Le Monde s’est intéressé à l’évolution des puissances développées, au cours de leur carrière, par cinq des favoris de ce Tour de France 2017 : Christopher Froome, Romain Bardet, Nairo Quintana, Richie Porte et Alberto Contador. Quelles sont leurs limites ? Sur quelle durée excellent-ils ? Quelle a été leur meilleure année ?

Cycliste amateur et ingénieur, Frédéric Portoleau se penche sur les puissances des coureurs depuis les années 1990 et a mis en place une méthode de calcul parfois contestée mais corroborée par les capteurs de puissance (voir plus bas). Ses données alimenteront comme chaque année les chroniques, dans Le Monde, de l’ancien entraîneur de Festina Antoine Vayer.

Frédéric Portoleau s’appuie pour ce faire sur le watt, l’unité de mesure de puissance avec laquelle travaillent les cyclistes. Pour donner un ordre d’idée, les meilleurs coureurs peuvent développer 1 200 watts pendant quinze secondes – c’est très élevé – et environ 400 watts sur une demi-heure. La durée de l’effort a, ici, une importance capitale.

Les watts par kilogramme, donnée-clé pour comparer les coureurs

Rapportée au poids, cette puissance permet d’établir une performance en watts par kilogramme. Ce ratio permet principalement de comparer deux coureurs dont le poids est différent. Le rapport poids/puissance est la donnée-clé du vélo en montagne : 1 kg de moins peut donner un avantage d’une minute au sommet d’un col, mais il faut pouvoir conserver assez de muscle pour produire de la puissance.

Les estimations en watts de Frédéric Portoleau sont invariablement en ligne avec les quelques données publiées par les coureurs eux-mêmes, recueillies par leurs capteurs de puissance. Il constate une marge d’erreur de 3 % maximum, qu’il hisse à 5 % pour la mesure en watt/kg, car on ne connaît jamais avec exactitude le poids d’un coureur à un instant T : les coureurs sont plus maigres pendant le Tour de France que le reste de l’année.

Si, en fonction des scénarios de course, des conditions météorologiques et des évolutions dans le matériel ou le revêtement des ascensions, il est délicat de confronter telle ou telle performance, leur observation à grande échelle – sur l’intégralité du parcours de la Grande Boucle, par exemple, et sur une dizaine de coureurs – a permis à Frédéric Portoleau de mettre en évidence des ruptures dans les performances après l’arrivée de l’EPO dans les pelotons (au début des années 1990) ou après la mise en place du passeport biologique.

Ici, nous vous proposons une approche plus ludique de ces calculs, avec les performances mesurées de cinq grands favoris du Tour de France : Christopher Froome, Romain Bardet, Richie Porte, Alberto Contador et Nairo Quintana. Soit 328 performances mesurées sur 60 courses différentes.

Un ordre d’idées plutôt qu’une preuve scientifique

Vous pourrez ainsi retrouver les performances les plus importantes en termes de puissance de chacun de ces coureurs, et vous faire une idée de leur évolution.

On observe ainsi, par exemple, que Romain Bardet a progressé avec le temps, particulièrement sur l’ascension de cols dont la longueur est moyenne. On remarque aussi que celui qui s’en sort le mieux parmi nos six coureurs dans les longues ascensions, Nairo Quintana et ses 1,67 m, est loin devant les autres dès lors que la durée d’une ascension est supérieure à trente-cinq minutes.

En se penchant sur les performances d’Alberto Contador, on se rend compte qu’il peine à retrouver sa forme de ses Tours d’Espagne victorieux de 2012 et 2014. Même si ses performances sont encore très honorables, il demeure efficace essentiellement sur les ascensions courtes.

Nous avons volontairement distingué les efforts de quinze à vingt-cinq minutes (pour une ascension courte), ceux d’une demi-heure environ et ceux de plus de quarante minutes. En effet, il est plus difficile de maintenir une puissance élevée pendant une heure que pendant vingt minutes. Sauf à ne pas rouler à l’eau claire…

Marge d’erreur

Souvent critiqués au sein du peloton, ses calculs, expliqués ici, sont étonnamment fiables lorsqu’on les compare avec ceux des capteurs de puissance mis en ligne par le fabricant SRM ou sur le réseau social Strava : leur marge d’erreur n’est pas supérieure à celle des instituts de sondage. Il l’évalue lui-même à 3 %.

L’une des faiblesses des calculs, que Frédéric Portoleau admet, est la méconnaissance du poids exact des coureurs le jour même, en fin d’étape. Il faut se contenter des données publiques. Pour le rapport poids/puissance, présenté ici, il estime donc la marge d’erreur à 5 %.

Frédéric Portoleau a été rejoint dans sa passion des mesures de puissance par d’autres scientifiques (finlandais, sud-africain ou américain), qui publient et analysent les données sur les réseaux sociaux et sur leurs blogs.

Les leadeurs du peloton ne publient pas leurs données de puissance, avançant des raisons de confidentialité. Thibaut Pinot avait fait exception en début de carrière, dans le cadre d’un article scientifique publié par ses entraîneurs Frédéric Grappe et Julien Pinot sur l’évolution du « profil de puissance record » (puissance maximale développée sur des durées données) du Français de 2008 à 2013.