Des élèves de l’école Immaculée-Conception de Dakar en 1996, à l’époque où les corrigés du bac n’étaient pas disponibles sur les réseaux sociaux avant les épreuves. | DR

Ecole Immaculée-Conception de Dakar, mardi 4 juillet, il est 15 heures passées de quinze minutes lorsqu’un candidat au bac est repéré par le surveillant en train de consulter sur son portable les corrigés des épreuves d’histoire et de géographie qu’il est précisément en train de passer. « L’élève a reçu les corrigés par WhatsApp et s’est mis à les recopier avec une précipitation qui a suscité la curiosité du surveillant », confie sous couvert de l’anonymat un membre du jury de l’institution scolaire contacté par Le Monde Afrique. Puis tout est allé très vite. L’élève a été arrêté séance tenante et conduit au commissariat de la police centrale de Dakar, où il a été placé en garde à vue.

Evidemment, ce n’était pas un cas isolé. La découverte de la triche à l’école Immaculée-Conception allait déclencher un tsunami qui secoue désormais tout le système éducatif sénégalais. Le lendemain, les professeurs se sont aperçus de l’ampleur des dégâts. Cela a fuité de partout. « C’est vers 9 heures du matin que nous avons reçu l’information des autorités de l’Office du bac d’arrêter le déroulement des épreuves de français en raison de fuites dans plusieurs centres du pays », explique Saliou Bane, surveillant au cours Sacré-Cœur.

Crédibilité sapée

« Des candidats avaient déjà commencé à se pencher sur le sujet, ils avaient les corrigés des épreuves sur leur smartphone », renseigne Aliou Ngom, professeur de mathématiques. Il confie également que des collègues à lui ont été sollicités la veille par des élèves sur des questions qu’ils ont retrouvées le lendemain dans l’épreuve de français. « Les sujets ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, surtout WhatsApp, depuis le lundi soir et des amis m’ont envoyé les épreuves d’histoire et de géographie », confie Astou Ndiaye, élève en terminale L2.

L’arrêt de l’examen a été immédiat sur l’ensemble du territoire national avant de reprendre partiellement le soir. Un point de presse tenu mercredi à midi par Babou Diakham, le directeur de l’Office du bac, structure chargée de l’organisation de l’examen. Il a reconnu les fraudes et annoncé la reprise des épreuves de français, d’histoire et de géographie le 10 juillet. « Pour l’instant, une plainte a été déposée et une enquête judiciaire et administrative a été ouverte pour situer les responsabilités », a déclaré Babou Diakham, en poste depuis 1999.

Un malaise profond

Depuis les épreuves anticipées de philosophie le 7 juin, les fuites se multiplient au baccalauréat sénégalais avec un point de non-retour atteint ce mercredi 5 juillet, engendrant l’annulation de l’épreuve de français.

Ces fraudes répétitives portent un sacré coup à la crédibilité de cet examen réputé être le plus sérieux du Sénégal. « Ce qui se passe au bac est révélateur d’un malaise profond qui s’empare de l’enseignement dans le pays. Depuis quelques années, les fraudes se multiplient sur l’ensemble des examens du pays. Mais l’Etat, hormis quelques arrestations par-ci, quelques sanctions par-là, n’a jamais montré une réelle volonté de résoudre le mal à la racine », se désole le professeur Aliou Ngom.

Le 8 juin, au lendemain de l’épreuve anticipée de philosophie, la Coordination des enseignants et examinateurs en philosophie (CEEP) avait alerté sur l’existence de fuites. S’inscrivant en faux, le ministre sénégalais de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mary Teuw Niane, avait porté plainte contre X pour diffusion de fausses nouvelles. Les événements des 4 et 5 juillet donnent finalement raison aux profs de philo.