Une cérémonie de naturalisation était organisée, jeudi 6 juillet en fin de matinée, au Panthéon. Une première pour les récipiendaires, bien sûr, mais également dans ce monument de la République.

Ils sont 183, venus des cinq continents et de soixante pays différents, à se presser sous la coupole du Panthéon pour accéder à la nationalité française, en présence du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, et de la maire Les Républicains du 5e arrondissement, Florence Berthout, mais aussi de l’ensemble musical de la préfecture de police de Paris, la Musique des gardiens de la paix, et du chœur de l’armée française.

Habituellement, ce genre de cérémonie se déroule à la préfecture de police de Paris, salle Marianne, et accueille une cinquantaine de personnes, venant clôturer le parcours migratoire et un séjour de plusieurs années dans le pays hôte pour ceux qui ont entrepris la longue procédure administrative afin d’acquérir leur nouvelle nationalité. Ils sont 140 000 environ chaque année à demander à être naturalisés Français. « Avant je passais devant, maintenant j’y suis rentré », sourit timidement Kamel, originaire de Tizi Ouzou, en Algérie, pour qui le Panthéon « est un vrai symbole ».

Cette cérémonie exceptionnelle a été en partie rendue possible grâce au président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval, qui, dans un rapport intitulé « Pour faire entrer le peuple au Panthéon » remis à François Hollande en octobre 2013, préconisait de rendre son attractivité au monument, d’en faire davantage usage dans la vie républicaine, tout en continuant d’y faire entrer des personnalités importantes.

« Je me sens enfin Français »

Parmi les personnes recevant leur livret de nationalité contenant, entre autres, le précieux décret de naturalisation, David, un jeune Chilien de 25 ans, est invité à prendre la parole. Rescapé de l’attaque du Bataclan le 13 novembre 2015, son histoire s’est tragiquement inscrite dans celle du pays.

« Il y a un et demi, j’ai été pris en otage par deux personnes qui se sont senties dériver dans les valeurs de la France (…). Me sentant profondément Chilien, je ne voulais pas être français, mais aujourd’hui grâce à ce que la France a fait pour moi, je me sens enfin Français. Les hommes de la BRI [brigade de recherche et d’intervention] m’ont libéré de l’assaut sanguinaire des terroristes. Je ne saurais comment remercier la France, les fonctionnaires et toutes les personnes qui m’entourent tous les jours. »

Son échange avec l’un des terroristes, Ismaël Omar Mostefaï, qui lui a demandé ce qu’il pensait de la politique française l’« a profondément marqué », explique-t-il par la suite. « A la question “Que penses-tu de François Hollande ?”, j’ai répondu “Je ne pense rien, je ne suis pas français”. » Le terroriste lui demande alors d’où il vient. « Je suis chilien », réplique David. Le terroriste lui laisse alors la vie sauve. « J’ai senti un désintéressement, quelque chose qui s’est déconnecté dans son regard », se souvient David, encore troublé. « Un traumatisme provoque des transformations, explique-t-il. On veut se séparer de ce qu’on était avant. Devenir français est une forme de résilience. » Même s’il dit « détester ce mot-valise » et évoque plutôt « sortir du placard », tentant de mettre en mots des ressentis que l’on devine forcément complexes.

« Un moment inoubliable »

Le plus jeune de ces Français de fraîche date a à peine 18 ans, il vient du Cameroun ; le plus âgé a 87 ans et vient de Tunisie. Tous expriment leur émotion d’être français et « d’être honorés aujourd’hui au Panthéon », dit Henri-Joël, 35 ans. Cela fait dix ans que cet Ivoirien d’origine vit et travaille en France, comme responsable comptable dans un cabinet d’audit. « Ce n’est pas tous les jours qu’on vit ce genre de moment, ça fait chaud au cœur » dit Lilia, 37 ans, venue d’Algérie et responsable des ventes, toute ébahie de se trouver au Panthéon. Saima, 31 ans, arrivée du Pakistan à l’âge de 18 ans, « est contente pour ses quatre enfants. C’est un moment inoubliable », dit-elle, la voix encore empreinte d’émotion.

Il leur a fallu passer presque deux ans à fournir des montagnes de papiers, justifier ses ressources, passer un entretien d’assimilation à la préfecture ou encore prouver qu’ils n’étaient pas en délicatesse avec le fisc, ni avec la police et la justice, avant d’obtenir le précieux sésame, qui leur permettra de voter aux prochaines élections et de se déplacer librement.

A la fin de la cérémonie, le livre d’or à leur disposition se remplit des mots, « honneur », « merci », « vive la France », « vive la République »… Amine, 28 ans, ingénieur informatique, dit sa « grande fierté d’appartenir à cette belle nation », quand Dounia, 27 ans, chercheuse, déclare qu’« être près de Marie Curie, ça fait quelque chose ».