Mardi, l’Assemblée nationale a accordé sa confiance au gouvernement d’Edouard Philippe : 370 députés pour, 67 contre et 129 abstentionnistes. De tels chiffres n’avaient pas été enregistrés depuis 1959. Des niveaux jamais enregistrés.

Une opposition faible

Avec à peine 67 voix de défiance à son encontre, le gouvernement assoit un peu plus sa légitimité. Pour retrouver un aussi faible niveau d’opposition sous la Ve République, il faut remonter en 1959. Le 14 octobre, le premier ministre de l’époque, Michel Debré, livre alors le tout premier discours de politique générale face aux députés. Après deux jours de débats tumultueux, l’Hémicycle vote en pleine nuit et octroie très largement sa confiance au gouvernement : 441 votes pour, 23 votes contre.

Quant au scrutin le plus serré, c’est en avril 1986 qu’il s’est déroulé. Moins d’un mois auparavant, les élections législatives avaient pris une tournure inédite : pour la première fois sous le Ve République, le président de la République, François Mitterrand, n’avait pas obtenu de majorité parlementaire. Cette déconvenue électorale signait alors le début de la cohabitation entre le parti de droite RPR et le PS. Jacques Chirac, nommé premier ministre, obtenait la confiance de justesse : 292 voix pour, 285 voix contre, soit 7 voix d’écart.

Une abstention record

Mardi, 129 députés ont préféré ne pas prendre position. Jamais autant d’élus n’avaient décidé de s’abstenir, et de très loin. L’opposition est en effet une opposition en ordre dispersé : Christian Jacob avait appelé les 100 élus du groupe Les Républicains à ne pas voter ; 75 d’entre eux ont suivi la consigne. Parmi les 35 députés du groupe Les Républicains constructifs, UDI et indépendants, 23 ont fait de même. Quant aux 31 élus du groupe de la Nouvelle Gauche, 23 ont également préféré ne pas se prononcer.

Le dernier record en la matière date de décembre 1962 : après la prise de parole du premier ministre Georges Pompidou, 69 députés ne s’étaient pas déplacés à la tribune pour voter. Peu de temps avant, l’Assemblée nationale avait renversé ce même gouvernement Pompidou par le vote d’une motion de censure : les élus de l’époque ne voulaient pas d’un référendum sur l’élection au suffrage universel direct du président de la République. Face à ce désaveu, le gouvernement fut contraint de démissionner. Le général de Gaulle, n’acceptant pas la tournure des événements, répliqua en prononçant la dissolution de l’Assemblée. Dans la foulée, il réinstalla Georges Pompidou à Matignon, malgré la censure parlementaire. Finalement, comme souhaité dès le départ, la question de l’élection présidentielle fut réglée par voie référendaire : le 28 octobre 1962, 62,25 % des Français dirent « oui » à ce changement constitutionnel.