Les cinq suspects, assis au premier rang, assistent à l’audience préliminaire sur l’accident qui a causé la mort du PDG de Total Christophe de Margerie en Russie, dans un tribunal en banlieue de Moscou, le 14 juillet 2016. | SERGEI KARPUKHIN / REUTERS

Coupables, mais dispensés de peine : condamnés par un tribunal moscovite, vendredi 7 juillet, les deux principaux accusés dans l’accident d’avion du PDG de Total Christophe de Margerie bénéficient d’une amnistie. Sans ce « pardon » décrété en 2015 par les autorités russes en l’honneur des 70 ans de la victoire sur l’Allemagne nazie, le conducteur du chasse-neige à l’origine de l’accident et l’ingénieur responsable du contrôle des vols auraient dû purger respectivement quatre ans et trois ans et demi de camp.

La mort de Christophe de Margerie, au décollage de son avion, avait provoqué une onde de choc en France. Le 20 octobre 2014, son Falcon était entré en collision avec un chasse-neige à l’aéroport Vnoukovo de Moscou, avant de s’écraser. Les deux pilotes et une hôtesse de l’air avaient également péri.

Cinq employés jugés

Cinq employés de l’aéroport — le conducteur du chasse-neige, Vladimir Martynenko, les contrôleurs aériens Alexandre Krouglov et Nadejda Arkhipova, l’ingénieur Vladimir Ledenev et le responsable du contrôle des vols Roman Dounaïev — étaient jugés depuis près d’un an par le tribunal de Solntsevo, dans le sud de la capitale.

Une procédure spéciale accélérée avait été mise en place pour M. Ledenev et M. Martynenko, qui ont plaidé coupable. Ce dernier avait 0,6 gramme d’alcool par litre de sang au moment de l’accident, d’après le comité d’enquête russe.

Vladimir Ledenev est pour sa part accusé de ne pas s’être assuré que la piste de décollage et d’atterrissage était dégagée. « Je suis coupable, je reconnais ma faute à cent pour cent et je regrette ce que j’ai fait. Je demande pardon à tous ceux qui ont souffert », a-t-il déclaré devant le juge vendredi.

Les trois autres accusés sont soupçonnés de ne pas avoir réagi lorsque le chasse-neige était sur la piste et de ne pas avoir respecté les normes de sécurité. Leur cas a été renvoyé au parquet pour être réexaminé. « Il ne s’agit pas d’un tragique concours de circonstances, mais d’une négligence criminelle des fonctionnaires », avait déclaré le comité d’enquête dès le lendemain du drame.

Manquements aux règles de sécurité

Le Comité intergouvernemental de l’aviation (MAK), qui enquête sur tous les accidents aériens en Russie, avait estimé dans un rapport rendu public en octobre 2016 que celui-ci résultait notamment de plusieurs manquements aux règles de sécurité et d’un personnel « insuffisamment formé ».

A partir des enregistrements audio issus d’une des boîtes noires de l’avion et des vidéos des caméras de surveillance de l’aéroport, l’enquête russe a permis d’établir que les pilotes avaient bien vu le chasse-neige sur la piste avant qu’il ne disparaisse de leur champ de vision.

Ayant poursuivi la procédure de décollage, ceux-ci n’ont aperçu de nouveau le chasse-neige, revenu sur la piste, que trois secondes avant l’impact. L’avion avait alors basculé sur le côté droit avant de s’écraser.

Le conducteur du chasse-neige a expliqué devant le juge s’être égaré, de nuit et par mauvais temps, jusqu’à la piste de décollage et ne pas s’être rendu compte de l’endroit où il se trouvait. L’ingénieur Ledenev a affirmé pour sa part qu’il n’était pas à ce moment à son poste car il s’occupait d’un engin en panne.

Le numéro un de Total était considéré comme un « vrai ami » de la Russie par le président Vladimir Poutine. La Russie est un pays clé pour l’entreprise, qui y est présente depuis 1991 et ambitionne d’en faire sa première source de production d’hydrocarbures d’ici à 2020.