Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique, a présenté, jeudi 6 juillet, un plan climat en six grands thèmes et 23 axes, qui sera « structuré sur les cinq ans à venir ». Soucieux de préserver le « leadership » de la France en la matière, Nicolas Hulot a notamment annoncé l’engagement du pays dans la neutralité carbone et annoncé la fin des véhicules diesel et essence à l’horizon 2040. Le ministre a également annoncé la fin, d’ici à 2022, de la production d’électricité provenant du charbon et des investissements à hauteur de 4 milliards d’euros pour lutter contre la précarité énergétique.

Simon Roger, journaliste spécialisé dans les questions liées au climat, a répondu à vos questions.

-Art : La France avance-t-elle toute seule dans le combat climatique ? Non seulement le résultat sur la planète sera peanuts, mais elle perdra son économie.

Simon Roger : Parallèlement au « plan climat » présenté par Nicolas Hulot jeudi 6 juillet, la France inscrit son action dans le cadre de l’Union européenne, qui s’est fixée notamment comme objectif de réduire d’au moins 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). De la même manière, la France ne négocie pas directement les dossiers climatiques à l’ONU, mais comme Etat-membre de l’UE.

-P-A : Peut-on dire que le plan climat présenté par M. Hulot est ambitieux ? Réalisable ?

Simon Roger : Il est présenté comme tel, mais la réponse est évidemment plus nuancée ! On peut considérer qu’il est ambitieux dans la mesure où il vise à aboutir à une « neutralité carbone » de la France en 2050 (ce qui ne signifie pas zéro émissions de CO2, mais une compensation de ses émissions par des puits de carbone). Mais le plan Hulot manque d’ambition sur le nucléaire, où l’on reste sur l’objectif de 50 % d’électricité issue de l’atome en 2025 ; sur l’aide financière aux pays du Sud ; sur la fermeture des quatre dernières centrales charbon, programmée en 2022 seulement.

-Pauline Ménard-Petit : Quelles sont les mesures concrètes prévues à court terme ?

Simon Roger : Parmi les mesures concrètes et à court terme, on peut mentionner la prime de transition destinée aux ménages modestes pour les inciter à remplacer leur véhicule diesel d’avant 1997 ou leur voiture à essence d’avant 2001 par un véhicule plus propre. Mais on ne connaît pas pour le moment le montant de cette prime.

-Masaaki : Est-ce que le nouveau gouvernement compte investir (si oui, quel est le budget) dans le ministère de l’écologie ?

Simon Roger : Un plan d’investissement de 50 milliards d’euros avait été évoqué par le candidat Macron. Il a été confirmé par le nouveau gouvernement. On n’en connaît pas encore les détails, mais il est prévu que 15 milliards soient fléchés vers la transition écologique.

-hg : La fin des voitures thermiques en 2040 vous paraît-elle un objectif possible ou utopique ?

Simon Roger : Les deux, mon capitaine ! Dans une vision optimiste des choses, on peut constater que d’autres pays se placent dans la même perspective, comme l’Allemagne ou l’Inde. De même, les constructeurs automobile ont entendu le message et font évoluer leur stratégie industrielle. Volvo, par exemple, a annoncé mardi qu’il ne lancerait plus que des modèles électriques ou hybrides à partir de… 2019. Mais il est assez clair que la fin de la « vente » des voitures essence et diesel en 2040 n’entraîne pas la fin de leur présence dans le parc de transports français.

-H : Prendre des engagements à si long terme (horizon 2040…) n’est-il pas un aveu de faiblesse et de manque de détermination ? Ne faudrait-il pas insister sur les engagements à plus court terme et les actions immédiates ? Les gouvernements suivants pourraient tout à faire revenir sur ces engagements trop éloignés. C’est le cas de Trump et des accords de Paris, par exemple.

Simon Roger : C’est tout le problème, ou plutôt toute la difficulté d’analyse, de ce genre de plan. Dans le domaine de l’environnement, il faut évidemment réfléchir sur le long terme, anticiper les transitions. Hulot a fustigé hier les discours de « court terme » sur les sujets climat, énergie, transport ou biodiversité. Mais en se plaçant dans cette optique, il élude de nombreux dossiers où les choses peuvent aller vite. Le projet de Notre-Dame-des-Landes peut (doit ?) être tranché sans attendre la fin du quinquennat. La fermeture des 4 dernières centrales charbon pourrait sans doute être planifiée plus tôt.

-Ernst Beauv : Quelles seraient des mesures concrètes d’une « diplomatie verte » ?

Simon Roger : Tout dépend de la manière dont on entend l’expression « diplomatie verte ». Si l’on s’en tient au défi que représente le réchauffement climatique (et ses impacts sur la montée des eaux, la dégradation des sols, la perte de biodiversité), l’une des mesures clés est de renforcer l’effort financier en direction des populations les plus vulnérables. Autrement dit, augmenter l’aide publique au développement, s’assurer que le Fonds vert fonctionne correctement, faciliter l’accès des pays pauvres aux banques… Une « diplomatie verte » efficace pourrait aussi pousser le projet de « pacte mondial pour l’environnement », un traité international et contraignant présenté devant l’ONU.

-roger : Le plan climat prévoit-il, comme c’est le cas en Suisse, une loi imposant une autoroute ferroviaire aux camions qui traversent la France ?

Simon Roger : Le plan climat dévoilé par Nicolas Hulot n’aborde pas précisément ce point. Mais le ministre de la transition écologique et la ministre chargée des transports, Elisabeth Borne, évoqueront sans doute cette question lors des assises de la mobilité, prévues à la rentrée. L’idée d’une écotaxe a en effet refait surface. « Les flux de camions qui transitent par nos territoires doivent eux aussi contribuer au financement de nos infrastructures », a dit Mme Borne.

-Tintin31 : L’axe 12 du plan climat, « Miser sur la recherche… », n’est-il pas antagoniste avec le plan de réduction du nombre de fonctionnaires ? SI tous les secteurs publics doivent se serrer la ceinture, cela inclut aussi les laboratoires du CNRS, de Météo France, des universités qui font la recherche sur le changement climatique et les stratégies de limitation et d’adaptation. Ces laboratoires ne peuvent travailler qu’avec des CDD.

Simon Roger : On peut légitimement se poser la question ! Hulot est dans une position de grand écart, entre cet objectif 12, qui reprend par exemple l’engagement de la COP21 de doubler l’effort de recherche publique dans le secteur de la transition énergétique d’ici 2020, et les consignes strictes de Bercy. C’est d’autant plus tendu que l’Elysée, avec son site makeourplanetgreatagain.fr, a promis d’accueillir des chercheurs étrangers, dans un contexte de budget de la recherche très contraint.

-Arnaud : Il n’est nulle part fait mention de la taxe sur les transactions financières, ni d’autres mécanismes de financement similaires. Comment ce plan va-t-il être financé, et aura-t-on les moyens d’atteindre les objectifs ?

Simon Roger : Ni la taxe sur les transactions financières (TTF) française, en vigueur depuis 2012, ni le projet de TTF européenne à dix pays, ne sont mentionnés dans le plan climat du 6 juillet. La première va être réduite par le nouveau gouvernement. Le projet de TTF européenne, promis par Emmanuel Macron lors de la table ronde à l’Elysée le 6 juin, a été sacrifié à la demande de Bercy. Résultat, le plan Hulot manque d’outils financiers pour financer la solidarité de la France envers les pays du Sud fragilisés par le réchauffement.