Le premier ministre italien accueille le vice-président Yemi Osinbajo au sommet du G7 à Taormina, le 27 mai  2017. | MIGUEL MEDINA/AFP

Il faut saluer l’initiative du G20, présidé cette année par la chancelière allemande Angela Merkel, de faire du développement africain une priorité.

La récente conférence du partenariat pour l’Afrique – tenue le mois passé, en prévision du sommet du G20 à Hambourg – a marqué un tournant historique en se penchant sur ce que les gouvernements africains et du G20 peuvent faire pour répondre aux défis économiques et politiques sur l’un des continents les plus dynamiques au monde. L’Afrique est en effet prête à surmonter les obstacles qui se présentent à elle tout en coopérant avec des partenaires qui lui ont souvent promis la prospérité.

Derrière les pupitres et lors des débats, le G20 et les dirigeants africains ont manifesté de sérieux engagements en la matière. Ils doivent désormais passer de la parole aux actes et prendre des mesures concrètes pour aider le continent africain à déployer tout son potentiel.

Plus de place où se cacher pour les corrompus

La France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni – des piliers européens du G20 – ont l’opportunité d’agir de la sorte dans les prochains jours, alors que l’Union européenne finalise sa directive anti-blanchiment d’argent.

L’Afrique est prête à surmonter les obstacles qui se présentent à elle tout en coopérant avec des partenaires qui lui ont souvent promis la prospérité.

Ces pays devraient faire preuve d’un réel engagement dans la lutte contre la corruption en Afrique et ailleurs (notamment chez eux), en rendant publiques les informations sur les bénéficiaires effectifs des entreprises, trusts et autres entités juridiques. Le Nigeria montre déjà l’exemple et fait des efforts importants pour que les individus et les sociétés corrompus n’aient nulle part où se cacher.

Cette mesure pleine de bon sens permettrait aux autorités juridiques et fiscales du Nigeria et des autres pays africains d’avoir un accès rapide et facile à ces données – en contournant les nombreux accords de partage d’informations, complexes et bureaucratiques, qui entravent actuellement les enquêtes.

Rendre ces informations publiques permettrait, d’une part, aux journalistes, aux organisations de la société civile et aux citoyens africains de les examiner et de repérer ainsi les cas de corruption et, d’autre part, de rétablir la confiance dans un système mondial que beaucoup considèrent comme inéquitable.

La directive européenne anti-blanchiment d’argent serait aussi un moyen de dissuasion, qui obligerait les criminels potentiels et les individus prêts à se laisser corrompre à réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une activité illégale.

Depuis des années, mon pays s’efforce de récupérer des milliards de dollars volés, dont la plupart ont été secrètement envoyés en Europe.

La réduction de la corruption et des marchés illicites aiderait les gouvernements africains à récupérer des revenus réellement nécessaires. Selon un groupe de haut niveau dirigé par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, l’Afrique perdrait plus de 50 milliards de dollars chaque année des suites des flux financiers illicites. Depuis des années, mon pays s’efforce de récupérer des milliards de dollars volés, dont la plupart ont été secrètement envoyés en Europe.

L’argent caché en Europe pourrait développer l’Afrique

Les trusts et les sociétés écrans, les véhicules préférés des corrompus du XXIe siècle, ont souvent facilité ces flux illicites et les biens mal acquis – de l’argent qui, autrement, pourrait contribuer à financer des infrastructures et des programmes sociaux au Nigeria et dans d’autres pays africains.

Ces besoins de financements sont plus importants que jamais. L’Afrique abrite les dix pays avec les taux de fécondité les plus élevés au monde et cette explosion démographique pèsera encore davantage sur des gouvernements qui peinent à répondre aux besoins de leur population.

On estime que 22,5 millions d’emplois par an devront être créés pour répondre à la demande des jeunes africains, une tranche de la population en plein essor et avec la même énergie, le même dynamisme et les mêmes ambitions que leurs pairs des pays développés.

Des règlements anti-blanchiment novateurs

Mais nos efforts pour générer une croissance économique durable sont compromis par la corruption, que facilitent les systèmes juridiques et financiers des pays du G20.

Si les gouvernements échouent à répondre aux besoins de cette jeunesse, l’instabilité politique et les déplacements massifs de population qui s’ensuivront, relégueront à l’arrière-plan l’actuelle crise des réfugiés en Europe. Si l’Europe tient réellement à aider l’Afrique, elle doit aider les gouvernements africains à s’attaquer à la corruption.

L’Europe pourrait montrer son attachement à un vrai partenariat avec l’Afrique en établissant des règlements anti-blanchiment novateurs, qui empêcheront les criminels et les individus corrompus de rester anonymes et de voler son avenir à la population africaine. Ne pas s’y atteler pourrait mettre à mal tous les autres efforts européens visant à assurer la prospérité africaine.

Le Professeur Yemi Osinbajo est le président par intérim du Nigeria