« Un moment historique. » Le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, n’a pas manqué d’emphase pour féliciter les quarante-huit élèves de seconde et leurs familles, réunis à la prestigieuse école parisienne, mercredi 5 juillet. Ils sont les « pionniers » du nouveau dispositif d’égalité des chances lancé par l’école de la rue Saint-Guillaume, « Premier Campus ». Quelques minutes plus tard, ces jeunes issus de quatorze lycées d’Ile-de-France, tous boursiers, sont partis en car rejoindre le campus de Reims, l’une des antennes en région, pour suivre une semaine de cours intensifs. Une « expérience étudiante » avant l’heure, qu’ils réitéreront, à trois reprises, durant leurs deux prochaines années au lycée, afin de se préparer à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Précurseur en matière d’ouverture sociale, Sciences Po a créé, il y a plus de quinze ans, une voie d’entrée spéciale destinée aux moins favorisés : les conventions d’éducation prioritaire (CEP). Depuis, ce sont 1 600 jeunes, issus de la centaine de lycées ZEP partenaires qui ont intégré l’institut par cette voie. Le taux de boursiers est passé de 6 % en 2000 à 27 % aujourd’hui.

Sciences Po a décidé d’aller plus loin dans sa politique d’ouverture sociale. Si le dispositif CEP a permis d’ouvrir socialement la grande école de l’élite, il est désormais en partie trusté par les classes favorisées qui fréquentent ces lycées : 40 % des bacheliers qui intègrent l’IEP parisien par cette voie sont issus de familles de catégories socioprofessionnelles supérieures.

Avec « Premier Campus », réservé aux boursiers, Sciences Po compte « apporter sa pierre à l’une des grandes questions qui se pose au monde de l’éducation : la transition de l’enseignement secondaire au supérieur », selon M. Mion. Loin d’être une « prépa Sciences Po », ces semaines intensives visent à lutter contre l’autocensure des jeunes de milieu modeste et à leur donner les armes pour réussir dans l’enseignement supérieur.

2 000 euros par lycéen

Ces lycéens, sélectionnés dans leurs établissements parmi les élèves motivés et de niveau moyen, suivront des cours magistraux et ateliers autour de thématiques transversales, comme l’Europe ou la citoyenneté, dispensés par des professeurs de Sciences Po et de lycée. Une deuxième promotion d’une trentaine d’élèves est en train d’être constituée pour démarrer à l’été 2018. La région Ile-de-France est partenaire, ainsi que de grandes entreprises (Axa, Société générale, L’Oréal) pour cette semaine dont le coût s’élève à 2 000 euros par lycéen, pour qui le dispositif est gratuit.

Science Po espère étendre « Premier Campus » sur les territoires de ses antennes (Le Havre, Dijon, Menton, Nancy, Poitiers, Reims). Son laboratoire spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques va quant à lui suivre la cohorte de jeunes.

Plusieurs autres Sciences Po de région se sont en fait déjà engagés sur un autre modèle similaire. Il y a bientôt dix ans, ils ont lancé des programmes d’accompagnement des lycéens vers les concours et l’enseignement supérieur. Et ce, à grande échelle : les instituts d’études politiques d’Aix, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Toulouse et Saint-Germain-en-Laye coordonnent chaque année le suivi de 3 000 élèves, de la troisième à la terminale, sous diverses formes – journées d’immersion, aide à l’orientation… Plus d’un quart des élèves de terminale qui y ont participé intègrent, après le bac, un IEP, 40 % vont en classes prépas et le dernier tiers rejoint une licence universitaire.