Pochette du livre « Ni noires ni blanches : histoire des musiques créoles », de Bertrand Dicale, aux éditions La Rue musicale. | La Rue musicale

Recenser l’ensemble des genres musicaux, nés à partir du XVIIe siècle sur les terres accostées et conquises par les Européens qui portent des traces d’Afrique, relève de ­l’impossible. Les « conquérants » amenaient avec eux des ­esclaves et ainsi, « sous le crime contre l’humanité va fleurir un des ­phénomènes culturels les plus féconds de l’histoire, la créolité », souligne Bertrand Dicale. Et des ­centaines ­de musiques vont apparaître au fil des siècles. Des musiques ni noires ni blanches, des musiques créoles.

L’auteur est un journaliste spécialisé dans les musiques ­populaires : il collabore notamment à France Info, où il ­présente « Ces chansons qui font l’actu », a signé des documentaires pour la télévision consacrés à Juliette Gréco, ­plusieurs ­livres sur des artistes de la chanson (Juliette Gréco, Georges Brassens, Serge Gainsbourg…) et a publié un ­Dictionnaire amoureux de la chanson française (Plon, 2016), dans lequel, de A (Dominique) à Z (Zazie), il explore la variété française.

« Agrégation d’éléments épars  »

Ici, il propose « de cheminer dans l’impureté, le grouillement, l’entremêlement, le bouillonnement, l’opacité de la réalité créole ». Le voyage se révèle passionnant, au fil de la réflexion qu’il propose sur la singularité de ces expressions musicales. Après un décryptage des phénomènes historiques, ­sociaux et culturels qui, selon lui, président à la naissance des cultures créoles, Bertrand Dicale utilise une savoureuse métaphore pour parler de ces musiques résultant de ­« l’agrégation d’éléments épars » : le jambalaya. Un plat typique de La Nouvelle-Orléans, dans lequel se mélangent au riz jambon, saucisses et gambas, à la saveur unique. On n’y ­retrouve aucun des goûts habituels des différents ingrédients constituant cet emblème culinaire de la Louisiane.

Pour les musiques créoles, le même phénomène se produit, soutient Bertrand Dicale, qui soulève par ailleurs les questions de l’ethnicité, de l’image du Noir et d’une créolisation contemporaine. Il balaie différents genres musicaux : ­biguine, calypso, negro spirituals, tango, reggae, zouk, ­candomblé brésilien, séga réunionnais (« polka mélancolique des “petits Blancs” »), quadrille de la Guadeloupe. Sans ­s’y attarder, préférant bâtir cet ouvrage édifiant, fruit ­d’un travail mené dans le cadre d’un enseignement universitaire en musiques actuelles et amplifiées, autour de ­réflexions ­et de questionnements.

Ni noires ni blanches : histoire des musiques créoles, de Bertrand Dicale, La Rue musicale (Cité de la musique – Philharmonie de Paris), 304 p., 13,90 €.