Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, et son secrétaire d’Etat, Julien Denormandie, devaient recevoir les opérateurs télécoms vendredi 7 juillet pour évoquer la couverture en Internet très haut débit en France. | Thibault Camus / AP

Première réunion avec le nouveau pouvoir pour les opérateurs télécoms. Orange, Free (dont le fondateur Xavier Niel est actionnaire à titre personnel du Monde), SFR et Bouygues Telecom ont été conviés vendredi 7 juillet en fin de journée par Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, Julien Denormandie, son secrétaire d’Etat, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au numérique, et Benjamin Griveaux, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances. Objet de la rencontre : la couverture en Internet très haut débit en France.

Cette semaine, le premier ministre, Edouard Philippe, a rappelé l’objectif d’apporter du « très haut débit à tous en 2022 ». Le 9 juin, Emmanuel Macron avait lui promis une « accessibilité complète sous deux ans » dans le fixe et le mobile à tous les citoyens. Le chef de l’Etat a fait la promotion de la « 4G fixe », qui permettrait d’« avoir de la 4G à bon niveau et le Wi-Fi à la maison ». Construire plus d’antennes mobiles aurait ainsi le double avantage d’améliorer les réseaux d’Internet fixes et mobiles en même temps.

« Un débat au sein du gouvernement »

Face à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron n’exclut pas de « contraindre davantage les opérateurs », qui sont donc appelés à ouvrir les cordons de la bourse dans la 4G. Quel effort leur sera demandé ? « Il y a un débat au sein du gouvernement. Certains proposent quelques mesurettes en échange d’un coup de pouce fiscal. D’autres veulent utiliser le levier des fréquences », explique une source. Même si, au ministère de la cohésion des territoires, on explique que la réunion de vendredi est destinée à « fixer la méthode » pour les mois à venir, les opérateurs espèrent en savoir plus sur l’état d’esprit de l’exécutif.

De fait, les pouvoirs publics ont à leur disposition plusieurs monnaies d’échange pour les opérateurs, qui ne lèveront pas le petit doigt sans contrepartie. Par exemple, la taxe IFER, prélevée sur les antennes mobiles et qui a rapporté l’an passé 200 millions d’euros aux collectivités locales, pourrait être plafonnée.

Mais le principal levier réside dans les fréquences de téléphonie mobile 900, 1 800 et 2 100 mégahertz, qui arrivent à échéance en 2021 pour Orange et SFR, en 2024 pour Bouygues Telecom. En théorie, l’Arcep, le gendarme des télécoms, peut à tout moment remettre aux enchères les précieux sésames. Les opérateurs seraient donc amenés à débourser des centaines de millions d’euros pour les conserver. Pour mémoire, fin 2015, les enchères sur les fréquences 800 mégahertz avaient rapporté 2,8 milliards d’euros à l’Etat.

Orange, SFR et Bouygues Telecom redoutent donc cette épée de Damoclès. « On a demandé au gouvernement de reporter l’échéance à 2030 », dit l’un d’eux. S’il accédait à leur requête, le gouvernement pourrait leur demander des engagements importants et une augmentation de la redevance sur ces licences. Cette perspective ne fait pas forcément les affaires de Free, moins bien loti en spectre que ses concurrents, et qui comptait sur ces renouvellements pour accroître sa part de licence. Même si les modalités changent, l’opérateur espère bien que la situation se rééquilibre.

Désaccords

Même si les opérateurs s’entendent avec l’Etat, il faudrait ensuite qu’ils s’accordent entre eux pour construire entre 5 et 15 000 antennes supplémentaires, soit une couverture de « 15 % des zones rurales », dit une source. Quelles seraient les modalités de ces investissements ? Déjà, les désaccords se dessinent. Free serait favorable à la mutualisation des investissements, pas Orange, qui dispose d’une avance considérable en matière de couverture 4G, ni SFR. Bouygues Telecom aurait une position intermédiaire. « Mutualiser signifie payer à Free son réseau. Pas question », s’emporte un concurrent.

En parallèle, la Firip, qui représente les opérateurs d’infrastructures utilisées par les collectivités locales, fait la promotion d’une solution mobile basée sur les fréquences 3,5 gigahertz. Dans ce schéma, les collectivités seraient à la manœuvre et financeraient sur fonds publics la construction de ces réseaux. Là non plus pas de consensus. Les grands opérateurs lorgnent ces fréquences pour faire de la 5G. Sans compter qu’aucun grand fabricant de smartphones n’offre d’appareil compatible.

D’autres sujets pourraient également être évoqués lors de la réunion. Les zones moyennement denses, où Orange déploie de la fibre sur 90 % des foyers et que convoitent les concurrents, font polémique. Michel Combes a aussi soulevé un tollé en adressant une lettre à la région Grand Est. Dans ce courrier, le PDG de SFR menace de construire un réseau s’il perdait l’appel d’offres lancé par la collectivité locale.