« All you need is just a little patience », chantait sereinement Axl Rose en 1989 sur la ballade acoustique Patience. Pour leur public, c’était pourtant une tout autre affaire. Au sommet de leur popularité, il y a vingt-cinq ans, le chanteur caractériel et son gang de hard rockers Guns N’ Roses étaient coutumiers des retards en concert, l’attente pouvant durer jusqu’à deux heures. Ce n’est manifestement plus le cas aujourd’hui. Vendredi 7 juillet, les auteurs de l’album Appetite for Destruction, paru en 1987 (30 millions d’exemplaires vendus), surprennent par leur ponctualité sur la scène francilienne du Stade de France, à 20 heures 10 précises, pour un show de trois heures et vingt minutes. Cela donne une idée du degré de professionnalisme atteint.

Au printemps 2016, la reformation événement du groupe avec trois de ses membres historiques, l’icône rock Axl Rose, le guitar hero chapeauté Slash Saul Hudson et le bassiste Duff McKagan, aux faux airs de Sid Vicious, réconciliés après vingt-trois années de brouille, engendra l’une des tournées les plus lucratives de l’année : 116,8 millions de dollars (102,3 millions d’euros) de chiffre d’affaires engrangés pour les dates en Amérique du Nord, plus 55 millions de dollars (48,2 millions d’euros) pour la tournée en Amérique du Sud. Du quintet originel manquent à l’appel le guitariste et cocompositeur Izzy Stradlin et le batteur Steven Adler. Ce dernier a été invité à rejoindre ses ex-compères pour quelques dates américaines, sans toutefois parvenir à titulariser sa place. Nul doute que la tournée européenne « Not in This Lifetime », programmée pour dix-huit dates, rencontrera le même succès que celle en Amérique du Nord, à en juger par l’arène du Stade de France, remplie à son comble.

Le chanteur Axl Rose et le guitariste Slash du groupe Guns N’ Roses, lors de leur concert à  Stockholm, le 29 juin. | TT NEWS AGENCY / REUTERS

Le public, majoritairement quadra et quinquagénaire, est issu de l’ère pré-Internet, quand régnaient les puissantes chaînes TV musicales telles que MTV. Beaucoup de cette génération ont gardé le souvenir de Guns N’ Roses à travers leurs vidéoclips, des superproductions qui mettaient en scène un Axl Rose torturé. Sur un écran géant, la proéminence d’images de synthèse technoïdes donne l’impression gênante de dater de la fin des années 1990 et accentue un certain décalage.

Toutefois, l’essentiel demeure sur scène : le groupe assure le show, et Axl Rose est un leader charismatique. Malgré le parti pris d’une entrée en matière rock musclée, le démarrage s’avère un peu mou et il faut véritablement attendre le quatrième morceau, l’emblématique Welcome to the Jungle, pour que la ferveur du public se soulève, et que suivent quelques fières bravades (Double Talkin Jive, la fameuse reprise de Live and Let Die, de Paul McCartney et Wings, un Rocket Queen rallongé) et les ballades épique (Estranged, November Rain, un superbe Civil War, et Patience en rappel). Le chanteur adulé, aujourd’hui âgé de 55 ans, a bien entendu vieilli, mais sans trop subir le poids des années, continuant de courir d’une extrémité à l’autre de la scène. Ses vocalises suraiguës si caractéristiques demeurent intactes. Affublé de lunettes de soleil aviator aux verres chromés, qu’il échangera plus tard pour une copieuse collection de chapeaux de cow-boy, l’ex-despote rock s’est assagi et demande à la foule de reculer pour ne pas étouffer les enfants des premiers rangs.

Slash, le guitariste échevelé, flanqué de son éternel chapeau haut de forme, vole la vedette à son chanteur le temps d’une bonne demi-heure consacrée à ses solos blues rock, déclinés sur le thème du Parrain, l’hymnesque Sweet Child o’ Mine et une reprise instrumentale du Wish you Were Here de Pink Floyd, plutôt réussie. De nouvelles reprises ont également intégré le répertoire scénique, notamment un flambant Whole Lotta Rosie, d’AC/DC, The Seeker de The Who, ainsi qu’une une reprise de Black Hole Sun, tube du groupe grunge Soundgarden, en hommage à Chris Cornell, mort à la fin de mai. Une autre formation qui connut un succès massif dans les années 1990, et dont la tragédie ne peut éviter les comparaisons. Ironie du sort, les Guns N’ Roses, rescapés de tous les excès, sont miraculeusement toujours debout.