Les hommes des forces spéciales irakiennes, à Mossoul, le 9 juillet. | LAURENT VAN DER STOCKT POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Après neuf de mois d’une bataille urbaine acharnée, le premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, a proclamé dimanche 9 juillet la victoire de son armée dans Mossoul « libérée », mettant un terme à trois ans d’occupation de la deuxième ville du pays par les djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI), qui subissent là un revers majeur. La France, qui est engagée dans la coalition internationale, a salué la reprise de la ville. « Mossoul libérée de Daech : hommage de la France à tous ceux, avec nos troupes, qui ont contribué à cette victoire », a écrit le président de la République, Emmanuel Macron.

L’émergence de l’EI, sous l’égide de son « calife » autoproclamé, Abou Bakr Al-Baghdadi, a marqué un tournant dans l’histoire du djihadisme. Le groupe a voulu contrôler un territoire et établir un Etat, le gérer, et accaparer les richesses qui en découlaient. Ce processus, qui a duré trois ans, s’achève à Mossoul au milieu des cendres et des ruines.

C’est dans la célèbre mosquée Al-Nouri de cette ville que le chef de l’EI avait fait son unique apparition publique en juillet 2014. Aujourd’hui, l’édifice a été détruit, pulvérisé par les djihadistes en déroute. Des milliers d’habitants ont été tués, des centaines de milliers de personnes, qui ont fui les combats, ne rentreront pas chez elles avant longtemps.

Mais la perte de cet ancrage territorial ne signifie pas la disparition du groupe djihadiste, qui contrôle toujours une vaste bande territoriale le long de la vallée de l’Euphrate, à cheval entre l’Irak et la Syrie, et qui, en muant d’une forme de proto-Etat à une guérilla ou à un réseau terroriste, reste en mesure de déstabiliser les pays de la région et au-delà. La dispersion de plusieurs dizaines, voire de centaines de ses combattants étrangers, jusqu’ici occupés quasi exclusivement à la défense de son territoire, pose plus que jamais la question de leur retour dans leurs pays d’origine et le danger qu’ils y font peser.

Sentiment d’humiliation

L’EI militairement aux abois, il reste à le défaire idéologiquement. Une bataille qui ne peut être menée sans une réelle reconstruction de ces pays et une participation politique de populations marginalisées depuis des années par les pouvoirs en place. En Irak, la montée en puissance de l’EI, né sur les cendres d’Al-Qaida, qu’on avait déclaré défaite dans les années 2000, est le fruit de la marginalisation des populations sunnites ; des populations étouffées et réprimées par un gouvernement central, revanchard, dominé par la majorité chiite.

En Syrie, l’implosion du pays et la guerre totale menée par Bachar Al-Assad et ses alliés contre les régions insurgées avait là aussi ouvert un boulevard aux radicaux, EI en tête, après deux ans de révolte populaire. La présence massive de forces iraniennes et de milices chiites soutenues par Téhéran dans ces deux pays alimente un clivage chiites-sunnites et ne peut qu’attiser un sentiment d’humiliation dans ces régions.

Si le terrain sur lequel a prospéré l’EI reste inchangé, le terreau sur lequel prospère le radicalisme islamiste au prétexte de la défense des sunnites laisse planer le risque, à terme, d’une « renaissance » djihadiste dans des régions plus « pacifiées » que libérées. Contre le djihadisme, la solution ne peut venir d’un régime qui se voudrait centralisé et dominateur. L’Etat irakien doit désormais assurer aux populations arabes sunnites une pleine citoyenneté.