Liam Fox, ministre britannique du commerce international. | JOSHUA ROBERTS / REUTERS

L’Arabie saoudite, premier client du Royaume-Uni en matière de vente d’armes, va pouvoir continuer de s’approvisionner auprès de Londres. Les autorisations d’exportations accordées à Riyad par Liam Fox, ministre du commerce international, ne sont pas illégales, a jugé lundi 10 juillet la Haute Cour de Londres.

La juridiction a rejeté la demande formulée par la Campagne contre le commerce des armes (CAAT en anglais) tendant à faire interdire ces licences d’exportation, alléguant de leur utilisation contre des civils dans la guerre menée par Riyad au Yémen. « Nous avons conclu que les décisions matérielles prises par le ministère [du commerce international] étaient légales », a affirmé le juge Burnett. Ce qui représente un revers pour les organisations de défense des droits de l’homme qui ont immédiatement fait part de leur intention d’interjeter appel.

La réglementation tant britannique qu’européenne interdit la délivrance de licences d’exportation d’armes s’il existe un « risque avéré » que ces équipements puissent être utilisés en contravention avec la législation humanitaire internationale. La CAAT estime que les ventes britanniques de bombes et d’avions de chasse à l’Arabie saoudite contreviennent à cette interdiction.

Les militants estiment que le gouvernement britannique s’est rendu coupable de « violations graves et répétées » du droit humanitaire

S’appuyant notamment sur le constat des Nations unies selon lequel les civils constituent la majorité des 8 000 morts et 45 000 blessés du conflit au Yémen depuis 2015, les militants estiment que le gouvernement britannique s’est rendu coupable de « violations graves et répétées » du droit humanitaire. En janvier, un rapport de l’ONU a dénoncé le « ciblage généralisé et systématique » des civils dans les attaques menées par les Saoudiens, y compris des hôpitaux, des écoles, des fêtes de mariage et des camps de personnes déplacées.

Le conflit oppose des forces progouvernementales aux rebelles houthistes liés à l’Iran qui contrôlent la capitale Sanaa depuis 2014. Les forces loyalistes, elles, sont soutenues par une coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, appuyés par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. Lors d’une audience en février, l’avocat de la CAAT avait indiqué que le gouvernement britannique avait poursuivi ses ventes d’armes, pour un montant de 3,3 milliards de livres (3,72 milliards d’euros), malgré la crise humanitaire engendrée par le conflit.

Mais lundi, les juges londoniens, se fondant sur des preuves confidentielles communiquées par le gouvernement et discutés seulement lors d’audiences à huis clos pour des « raisons de sécurité nationale », ne l’ont pas suivi. Selon la Haute Cour, les éléments présentés par les opposants aux ventes d’armes « ne constituent qu’une partie du tableau ».

Avions de combat et bombes

Les magistrats, au vu de données de missions aériennes de la coalition, d’images en haute résolution, de rapports des services de renseignements britanniques et d’évaluations sur les dommages consécutifs à des combats, ont estimé que « les preuves tant publiques que confidentielles démontrent que le ministère [du commerce international] était raisonnablement fondé à conclure » que la coalition conduite par l’Arabie saoudite ne ciblait pas volontairement les civils et enquêtait de façon appropriée sur ces accusations.

« C’est un arrêt profondément décevant, a commenté Andrew Smith, porte-parole du CAAT. S’il est confirmé, il donnera un feu vert au gouvernement britannique pour continuer à armer et à soutenir des dictatures brutales violant les droits de l’homme, comme l’Arabie Saoudite. Nous recevons chaque jour des témoignages horribles sur les atteintes humanitaires portées contre le peuple yéménite. » Amnesty International a, de son côté, qualifié cette décision de « coup mortel porté aux civils yéménites », tandis que Save The Children a déclaré que les preuves contre les marchands d’armes étaient « accablantes ».

Le Royaume-Uni vend des avions de combat Typhoon et Tornado ainsi que des bombes à guidage de précision à l’Arabie saoudite, qui ont rapporté plus de trois milliards de livres (3,39 milliards d’euros) depuis deux ans. Vieux militant pacifiste, le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn a promis de cesser ce commerce s’il arrivait au pouvoir.

L’an dernier à Westminster, la commission parlementaire sur le contrôle des exportations d’armes a recommandé la suspension des ventes à l’Arabie saoudite en attendant les conclusions d’une enquête internationale indépendante. Mais la commission des affaires étrangères, elle, a fait dépendre la poursuite de ces exportations à la décision judiciaire dans le dossier soulevé par le CAAT.