Documentaire sur France 3 à 23 h 10

Bien que Silvio Berlusconi ait (presque) toujours réussi à passer à travers les mailles du filet judiciaire dans les nombreuses investigations qui ont été lancées sur ses liens avec Cosa Nostra, la Mafia sicilienne, les nombreux juges chargés d’enquêter sur ses affaires les ont toutefois établies de façon certaine. Des relations d’ailleurs confirmées aux juges par plusieurs repentis mafieux affirmant que c’est à travers son plus proche collaborateur, Marcello Dell’Utri, Sicilien de souche, que Silvio Berlusconi a bénéficié de la protection et de la bienveillance de la Mafia en échange de « bons offices » entre l’homme le plus riche d’Italie et les boss de Cosa Nostra.

« Mains propres » et argent sale

Dans son documentaire réalisé comme une enquête policière (déjà diffusé sur France 3 en 2015), Olivier Toscer est allé à la rencontre de nombreux témoins (magistrats, repentis de la Mafia, proches collaborateurs de Berlusconi) qui racontent comment et pourquoi l’ascension de l’homme d’affaires n’a pu se faire sans l’appui de Cosa Nostra et de la classe politique italienne des années 1980, balayée ensuite par l’opération « Mains propres ».

L’évidence est que l’argent sale plane sur tout le parcours politico-industriel de Silvio Berlusconi. Il y a d’abord, à la fin des années 1970, ces investissements colossaux dans Milano 2, un complexe ­immobilier de la banlieue de la ville lombarde. Les enquêtes judiciaires ont montré qu’ils ont été réalisés grâce à l’argent noir de la Mafia et à l’aide de son ami Bettino Craxi – décédé en janvier 2000 –, alors premier secrétaire du Parti socialiste italien, puis président du conseil avant d’être chassé du pouvoir en 1987 et contraint à l’exil en Tunisie. Les sommes investies ne pouvaient correspondre au patrimoine financier déclaré par Berlusconi. Il y a ensuite la création de son empire médiatique et publicitaire bâti à l’aide de complicités politiques et, une nouvelle fois, de fonds douteux. Et, surtout, son ascension politique vue d’un bon œil par la Mafia sicilienne à qui Silvio Berlusconi, à la tête de son propre parti Forza Italia créé de toutes pièces et ­entièrement dévoué à son chef, avait promis une nouvelle législation sur les repentis au cas où il ­arriverait au pouvoir.

Silvio Berlusconi avec son bras droit, le Sicilien Marcello Dell’Utri | Alberto Rovari-Rosebud / Cinétévé

« Il est vrai que Forza Italia a eu beaucoup de succès en Sicile, souligne Roberto Scarpinato, procureur général à Palerme. Dans toutes nos enquêtes, nous avons noté que tous les chefs de Cosa Nostra avaient ­ordonné de voter pour ce parti. »

En France, l’épisode de La Cinq

La France n’a pas été épargnée par Berlusconi, qui voulait gouverner l’Italie comme une entreprise. En février 1986, rappelle Olivier Toscer, François Mitterrand, alors président de la République, lui avait confié La Cinq, sur les ­conseils de son ami Bettino Craxi, qui avait beaucoup œuvré pour que « Sua Emittenza » (jeu de mots en italien mêlant « éminence » et « émetteur ») devienne le roi de la télévision privée en Italie. Appliquant les méthodes qu’il avait instaurées dans la Péninsule, Berlusconi ­signa sans regarder des chèques aux sommes mirobolantes pour le transfert des vedettes françaises du petit écran. Malgré l’argent qui coulait à flots et l’arrivée de grands professionnels à l’antenne, en quelques mois, la chaîne a été au bord de la faillite avant de sombrer définitivement en 1992. Personne n’a su (ou voulu savoir) d’où venait l’argent.

Berlusconi et la Mafia, scandales à l’italienne, d’Olivier Toscer (France, 2015, 55 min).