Fred Forest (à gauche) en 1979 dans « Le Territoire du mètre carré artistique », une œuvre-dispositif évolutive. | Fred Forest. Adagp, Paris 2017

Voilà vingt ans que l’artiste Fred Forest fait le bras de fer avec le Centre Pompidou. Deux décennies que ce pionnier de l’art participatif et sociologique titille l’institution parisienne en exigeant une transparence sur les prix d’acquisition des œuvres qui rejoignent ses collections. Sans rancune, Beaubourg l’invite à exposer cet été.

On revient de loin. En 1994, invoquant la loi de 1978 sur la transparence de la comptabilité publique, Fred Forest avait demandé le prix d’achat d’une œuvre de Hans Haacke datant de 1971. Le musée, acculé, en dévoile le montant – 1,2 million de francs (l’équivalent de 229 372 euros). Fred Forest ne s’arrête pas en si bon chemin : il réclame que soient révélés les prix de l’ensemble des œuvres achetées par l’établissement depuis 1985. Et se voit opposer une fin de non-recevoir par le musée, habitué à acheter à « prix d’ami », parfois à la moitié des cours du marché. Le bouillonnant plasticien saisit alors le tribunal administratif et remporte à nouveau cette manche. Mais le jugement en sa faveur sera finalement cassé en 1997 par le Conseil d’État.

« Je veux une exposition »

Qu’importe, en 2011, Fred Forest récidive en demandant dans une lettre ouverte adressée à Alain Seban, alors président du Centre Pompidou, de révéler les conditions d’achat d’une performance de Tino Sehgal, baptisée This Situation (2007). Poussant loin le principe d’immatérialité, l’artiste britannique est réputé imposer un paiement en liquide et ne pas délivrer de certificat d’authenticité. Sauf que sa galerie a réellement adressé une facture à Beaubourg… par voie électronique. Et Forest n’a jamais pu connaître le montant de la transaction…

« Je dois prendre en charge l’assurance de l’exposition, payer les gardiens. Et ils ne font pas le catalogue. J’ai investi mes économies, 25 000 euros, dans l’exposition. » Fred Forest, artiste

L’histoire aurait pu en rester là si Alain Seban n’avait manifesté le souhait de rencontrer cet empêcheur de tourner en rond. « Un artiste ne doit pas être banni du Centre Pompidou parce qu’il a intenté un procès, estime-t-il aujourd’hui. Il est joueur, mais ni méchant ni pervers. » L’intéressé raconte leur rencontre : « Il m’a dit : “Que voulez-vous ?” Et je lui ai répondu : “Je veux une exposition au Centre Pompidou, parce que je l’estime légitime au vu de mes états de service.” »

Fred Forest juge que, tel David, il a gagné contre Goliath. Gagné, c’est peut-être un peu vite dit. L’exposition se tient au forum 1, l’espace ouvert au sous-sol de Beaubourg, et non dans une des salles du musée, où est en revanche exposé un autre membre du Collectif d’art sociologique cofondé par Forest, Hervé Fischer.

Teaser | Fred Forest | Exposition | Centre Pompidou

Et elle ne dure qu’un mois et demi. « Je suppose qu’ils ont accepté parce qu’ils pensaient que je ne trouverais pas l’argent pour la réaliser, croit savoir Fred Forest. Ils m’ont fait signer une décharge car je dois prendre en charge l’assurance de l’exposition, payer les gardiens. Et ils ne font pas le catalogue. J’ai investi mes économies, 25 000 euros, dans l’exposition. » Et de conclure, un brin amer : « Je suis enfermé dans mes actions, les gens ne regardent pas mon travail. »

« Fred Forest », Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris 4e. Du 12 juillet au 28 août. www.centrepompidou.fr