Le Logo de la RATP sur un bus parisien, le 2 décembre 2015. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

C’est donc l’outsider qui aura emporté l’adhésion. Mardi 11 juillet, le décret nommant Catherine Guillouard au conseil d’administration de la RATP a été publié au Journal officiel. Il s’agit de la première étape du processus de désignation de la nouvelle PDG du groupe RATP, qui devrait aboutir à la nomination finale de cette inconnue des experts du transport par le président de la République.

Cette énarque de 52 ans, passée par Air France, Eutelsat et dernièrement le distributeur de matériel électrique Rexel, a renversé les pronostics lors des séances d’audition des candidats, manifestement plus convaincante que ses compétiteurs.

« Elle a bluffé tout le monde », s’ébahit une des parties prenantes. Et pourtant les examinateurs étaient nombreux : experts de Bercy et du ministère des transports, ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, premier ministre, Edouard Philippe, jusqu’au chef de l’Etat, Emmanuel Macron, mercredi 5 juillet. « Cela ne m’étonne pas d’elle, remarque Pierre-Henri Gourgeon, l’ancien PDG d’Air France qui a favorisé l’évolution de carrière de Mme Guillouard pendant ses années au sein de la compagnie aérienne (1997-2007). Elle réussit parce qu’elle travaille beaucoup. Quand elle arrive devant vous, elle connaît ses dossiers, et elle adore, avec son inépuisable énergie, convaincre ses interlocuteurs. »

Dix chantiers prioritaires

Ces capacités à communiquer lui seront utiles, d’abord devant les commissions du développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat, puis, si les parlementaires donnent leur quitus, face aux salariés, aux usagers et aux clients de la RATP. Car, pour succéder à Elisabeth Borne, patronne du métro parisien, devenue ministre des transports le 17 mai, il va falloir se mettre au diapason d’un processus de transformation d’une entreprise singulière, détentrice du monopole du transport public à Paris.

Pour cela, Mme Guillouard dispose d’une feuille de route toute trouvée : le plan stratégique baptisé « Défis 2025 », mis en place en 2015 par Mme Borne, alors qu’elle venait d’être nommée à la tête de la RATP. Ledit plan définit dix chantiers prioritaires pour la régie – de la sécurité ferroviaire à la transformation numérique en passant par le développement international –, l’amélioration du service dans le RER et la « dédielisation » totale des bus prévue dans moins de dix ans.

Mais la grande affaire de la mandature de Mme Guillouard sera de préparer l’entreprise au big bang de l’arrivée de la concurrence. Elle sera effective, sur les lignes existantes, en 2025 pour les bus, en 2030 pour les tramways et en 2039 pour le métro et le RER. Sachant que, pour toutes les créations de lignes nouvelles, la mise en concurrence entre opérateurs existe dès maintenant.

Méconnaissance des métiers concernés

Dans ce contexte, le profil de Mme Guillouard (qui a participé au pilotage de l’ouverture du capital d’Air France il y a vingt ans) ne manque pas d’inquiéter les syndicats de la RATP. L’arrivée de la concurrence sera-t-elle l’occasion de transformer l’établissement public, qui gère toute l’activité sous monopole, en une société plus classique ? La RATP fera-t-elle partie de la vague de cessions de participations que prépare l’Etat ?

Du coup, nombre d’observateurs ont pointé l’absence inquiétante d’expérience dans les relations sociales de Mme Guillouard. « C’est tout simplement inexact, rétorque M. Gourgeon. Lorsqu’elle était aux opérations aériennes d’Air France, elle présidait le comité d’entreprise des personnels navigants commerciaux, hôtesses et stewards, et je peux vous assurer que ce n’est pas une sinécure. Elle a été numéro deux des ressources humaines de la compagnie, une entreprise de 50 000 personnes. A la direction financière, elle s’est occupée de l’ouverture du capital aux salariés en liaison avec les syndicats. A chaque fois, cela s’est très bien passé. »

« Nous n’avons aucun a priori, déclare Jacques Eliez, secrétaire général de la CGT-RATP. Notre exigence, c’est le maintien d’un haut niveau de dialogue social. Nous serons aussi attentifs à ce que les salariés ne subissent pas l’inexpérience d’un futur PDG dans le transport public collectif. » Car c’est bien là que pourrait résider le talon d’Achille de la future patronne de la RATP : sa méconnaissance des métiers concernés, et spécialement des techniques du ferroviaire. Une situation qui peut être rendue encore plus délicate par le pedigree de sa ministre de tutelle, dans les traces de laquelle Mme Guillouard devra avancer tout en restant elle-même.