Documentaires sur Arte à partir de 21 h 50

Trois documentaires sur un Etat, la Turquie. Trois regards posés sur d’un homme, Recep Tayyip ­Erdogan, le président de la République, le maître absolu d’un pays qui part à la dérive et s’enfonce dans les bas-fonds de l’autoritarisme. A l’occasion du premier anniversaire du coup d’Etat avorté en Turquie, le 15 juillet 2016, Arte propose trois séquences sur ce pays à la croisée des chemins. D’abord, le désarroi d’un homme en exil, Can Dündar, auteur du premier documentaire, qui cherche avant tout à exercer son métier de journaliste. Ex-directeur du journal de gauche Cumhuriyet, il est aujourd’hui réfugié à Berlin pour avoir rendu publics des documents vidéo montrant des livraisons d’armes par les services de renseignement turcs à des djihadistes en Syrie.

Ensuite, le parcours courageux d’opposant(e)s au pouvoir de l’AKP avant, pendant et après la courte victoire du « oui » au référendum constitutionnel du 16 avril sur la présidentialisation du régime. Enfin, les analyses perplexes d’experts turcs, allemands et français sur l’avenir d’une Turquie véhémente sur la scène internationale, le tout sous la caméra d’Imre Azem, un réalisateur engagé aux côtés des militants turcs des droits de l’homme.

Exil, résistance et diplomatie

A sa façon, chaque film évoque l’effondrement de la raison dans ce pays charnière et l’impuissance des interlocuteurs face au diktat du nouveau sultan. Qu’ils soient journalistes au pays ou en exil, ­opposants turcs ou kurdes, politologues turcs ou étrangers issus d’Etats alliés ou non d’Ankara, le même constat traverse cette tri­logie : comment arrêter le train ­Erdogan qui plonge son pays dans l’hystérie et la dérationalisation ?

Cette perte de la raison conduit les Turcs vers l’inconnu. Can Dündar et Imre Azem tentent d’apporter des réponses intelligibles, mais à chaque apparition du président Erdogan, à chaque manifestation de soutien en sa faveur en Turquie ou en Allemagne, tout être normal voit sa raison céder sa place à la stupeur. Comment sortir de cette pathologie turque ? Comment agir contre la tyrannie ? La marge de manœuvre semble étroite, le nouveau sultan ayant utilisé tous les ressorts de la raison pour asseoir son pouvoir. Que faire face à cette Turquie incontournable pour l’Europe mais dont le président multiplie les provocations et ordonne les purges dans l’administration et la société civile ? Que faire pour tenter d’appeler à la raison un ­président obnubilé par le pouvoir, la puissance et la nostalgie de la grandeur ottomane, alors que la Turquie est un carrefour stratégique de premier plan ?

Can Dündar et Katja Deiss les réalisateurs du documentaire « Adieu à la Turquie » . | © HR

La résistance civile s’organise d’Istanbul à Diyarbakir, mais la détresse rôde. Les experts croient encore en une normalisation entre l’Europe et la Turquie, mais tant qu’Erdogan joue l’hystérie dans son rapport de force avec Bruxelles, c’est la violence politique et sociale qui attend les Turcs à l’heure du dossier des migrants et de la guerre en Syrie. Cette trilogie – exil, résistance et diplomatie – appelle chacun à prendre conscience de la désolation des démocrates turcs. Il y a urgence, car M. Erdogan entend remplacer le symbole de Mustafa Kemal par sa propre mythologie en donnant rendez-vous à son peuple en 2023, date du centenaire de la naissance de la République turque et du 1 570e anniversaire de la prise de Constantinople.

Can Dündar. Adieu à la Turquie, de Can Dündar et Katja Deiss (All., 2017, 52 min) ;Turquie : un combat pour la démocratie, d’Imre Azem (All., 2017, 52 min) ; Où va la Turquie ? d’Imre Azem (All., 2017, 52 min).