Le premier ministre Edouard Philippe à l’Elysée, le 11 juillet. | BERTRAND GUAY / AFP

Réduire les dépenses publiques, sans renoncer à baisser les impôts. C’est de cette manière que le gouvernement entend procéder pour ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB) dès 2017, sans revenir sur les promesses de campagne d’Emmanuel Macron.

Le gouvernement a annoncé ses premières pistes quelques jours après que la Cour des comptes a fait savoir que, sans « mesures fortes de redressement », le déficit public allait atteindre 3,2 % du PIB. Soit un dérapage de près de 8 milliards d’euros.

A la suite de la publication de cet audit, le premier ministre Edouard Philippe s’était engagé « à contenir le déficit à 3 % cette année ». « Nous ne le ferons pas en augmentant les impôts, nous le ferons par des mesures d’économies », avait-il assuré. Dans une interview aux Echos, mercredi 12 juillet, le chef du gouvernement a présenté les premières mesures.

Baisse des impôts

Le gouvernement entend réduire, ou transformer, certains prélèvements obligatoires dès 2018. Emmanuel Macron et Edouard Philippe comptent sur ces mesures pour « provoquer un effet de souffle fiscal en faveur de l’investissement, de l’emploi et de la croissance ».

Face à l’inquiétude des maires, M. Philippe précise qu’il souhaite « discuter des modalités précises et des compensations nécessaires avec les collectivités locales, lors de la conférence des territoires qui se tiendra lundi prochain ». Emmanuel Macron avait promis pendant la campagne une exonération pour 80 % des ménages, avec une mise en œuvre étalée sur trois ans.

  • Baisse des cotisations sociales. Edouard Philippe confirme également que « les cotisations des salariés vont nettement diminuer au 1er janvier 2018 » avec la suppression des cotisations salariales chômage et maladie, « ce qui augmentera le pouvoir d’achat des actifs », selon lui. Pour compenser, le gouvernement prévoit une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) de 1,7 % dès 2018.

Cette mesure se traduira par une baisse du pouvoir d’achat pour les fonctionnaires - les cotisations chômage et maladie n’existent pas dans leur régime - et les travailleurs indépendants qui ne payent pas de cotisations chômage. Mais M. Philippe précise aux Echos qu’il y aura « des compensations ».

« Il n’y aura pas de perte de pouvoir d’achat pour les indépendants et les fonctionnaires. Il y aura des mesures de compensation pour ces deux catégories. »
  • L’ISF remplacé. La réforme de l’impôt sur la fortune (ISF) sera « appliquée intégralement en 2018 », a affirmé le chef du gouvernement. Cet impôt, mis en place sous François Mitterrand, sera remplacé par un impôt sur la fortune immobilière « de façon à ce que le patrimoine qui n’est pas immobilier ne soit pas taxé ». En revanche, « les seuils et les taux ne seront pas modifiés, et l’abattement de 30 % sur la résidence principale sera conservé », précise le chef du gouvernement, chiffrant le coût de cette réforme à 3 milliards d’euros.
  • Baisse des prélèvements obligatoires. Avec toutes ces mesures, « la pression fiscale sera réduite de près de 0,6 point de PIB, soit un montant proche de 11 milliards [dès l’année prochaine]. C’est un effort considérable », fait savoir M. Philippe. Il avait annoncé samedi que les prélèvements obligatoires baisseraient de quelque 7 milliards d’euros l’an prochain.

Mais après une rencontre avec le président de la République « dans le courant de la semaine dernière », le duo de l’exécutif a « décidé d’accélérer ce rythme, afin de maximiser les effets économiques de cette stratégie ». « Nous voulons provoquer un effet de souffle fiscal en faveur de l’investissement, de l’emploi et de la croissance », dit-il.

Sur l’ensemble du quinquennat, le gouvernement affirme que « la baisse des prélèvements représenterait 1 point de PIB, soit environ 20 milliards d’euros ».

Réduction des dépenses publiques

Le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin, le 6 juillet à Paris. | MARTIN BUREAU / AFP

Le gouvernement a par ailleurs inscrit dans ses documents budgétaires un déficit public s’établissant à 3 % du PIB en 2017 et 2,7 % en 2018, en accord avec les engagements de la France auprès de ses partenaires européens.

Pour respecter cette trajectoire, tout en finançant les baisses d’impôts, le gouvernement mise sur une croissance économique qui atteindrait 1,6 % cette année, puis 1,7 % l’année prochaine et compte également réduire les dépenses publiques :

  • 4,5 milliards d’économies nouvelles sont prévues en 2017
  • « au moins » 20 milliards d’euros en 2018

Pour 2017, « ni les collectivités locales, ni la Sécurité sociale, ne seront mises à contribution », a détaillé le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin dans un entretien au Parisien :

  • Le ministère de l’intérieur devra faire 526 millions d’économie cette année, au lieu des 120 annoncés jusque-là. Cela en fait le ministère régalien le plus touché. Ces économies seront faites « sans réductions d’effectifs », assure M. Darmanin.

Les syndicats de policiers ont fait part mardi de leur « inquiétude » suite à ces annonces et le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a voulu nuancer les déclarations de M. Darmanin, en affirmant que « hors mission collectivités locales », ce sont « 370 millions » qui devraient faire l’objet d’une coupe budgétaire au sein de son ministère.

  • 850 millions d’économies à la défense. Le ministère ne verra pas son budget amputé mais devra respecter l’enveloppe déjà votée par le Parlement : « Il faudra assurer le financement des opérations extérieures en trouvant des économies ailleurs », souligne Gérald Darmanin.

Un argument spécieux : la défense a inscrit une somme de 450 millions d’euros au titre des opérations extérieures dans son budget, mais ces déploiements, de l’Europe du Nord au Moyen-Orient, coûteront 1,3 milliard d’euros. Cette différence était assumée, depuis dix ans, au motif que le ministère n’est pas maître des engagements nécessaires à la défense nationale. Et, en fin d’année, un financement interministériel devait combler l’écart. Le gouvernement en finit brutalement avec cette « sous-budgétisation » d’usage.

La situation devrait même être pire qu’annoncée : selon les informations du Monde, qui a pu consulter le décret transmis à la commission des finances de l’Assemblée, les coupes dépasseront le milliard d’euros.

  • 260 millions d’euros économisés aux transports, avec un passage en revue de tous les grands projets, comme annoncé par Emmanuel Macron.
  • 268 millions d’euros à Bercy, en réduisant par exemple le coût d’un programme de numérisation.
  • 282 millions au ministère des affaires étrangères, dont la moitié provenant d’un recul de l’aide publique au développement.
  • 160 millions à la justice, « essentiellement des programmations immobilières ».
  • 75 millions à l’éducation nationale. Aucun poste de professeur ne sera supprimé pour la rentrée scolaire et « l’intégralité des promesses du président de la République, notamment sur l’accompagnement des auxiliaires de vie scolaire auprès des enfants handicapés » seront tenues, assure M. Darmanin.
  • 50 millions à la culture, en faisant des économies sur la gestion du ministère.

Confirmant ce qu’il avait annoncé à l’occasion des « Etats généraux des comptes de la nation » la semaine dernière, le ministre des comptes publics prévient aussi que la voilure va être réduite pour les contrats aidés d’ici la fin de l’année.

Pour 2018, Gérald Darmanin a prévenu, mardi matin, sur RTL qu’il « faudra effectivement faire des réformes de structure ». « La politique de formation et d’aide à l’emploi, la question du logement… Toutes les thématiques de la politique publique sont sans doute à revoir afin de moins dépenser », a-t-il insisté.

Edouard Philippe s’est de son côté refusé à donner un objectif chiffré de réduction des effectifs de la fonction publique par rapport à l’objectif de 120 000 retenu pour les cinq années à venir, soulignant que le travail devait être mené « ministère par ministère et même direction par direction ».