Jack Arnold aura incarné le paradoxe de n’avoir jamais réalisé de films aussi personnels – c’est-à-dire de films reconnaissables à l’unité de leur style et à la vision du monde qu’induisait leur écriture – que lorsqu’il était salarié d’un studio hollywoodien. Etre tout à la fois un auteur et un artisan maison, tel aura peut-être été le mystère de ce cinéaste, surtout, et sans doute injustement, réputé pour ses films de science-fiction.

Deux de ceux-ci connaissent une sortie en Blu-ray et DVD chez l’éditeur Elephant Films. Tarantula et L’Homme qui rétrécit constituent, en effet, deux sommets de la science-fiction cinématographique hollywoodienne, une mode tenace dans les années 1950, époque de paranoïa anti-rouge et de peur nucléaire. Ils ont été produits le premier par William Alland et le second par Albert Zugsmith, tous deux pour le studio Universal.

Bande-annonce (Trailer) Tarantula de Jack Arnold (HD / VOSTFR)

Une topographie particulière

Avant de tourner Tarantula, Jack Arnold avait déjà abordé le genre avec Le Météore de la nuit et L’Etrange Créature du lac noir, où il avait montré un éblouissant talent. Venu du documentaire, il s’est finalement révélé comme un des grands cinéastes de l’imaginaire. Fausse contradiction, tant il est vrai qu’il faut avoir une conscience aiguë de la réalité pour savoir effrayer les spectateurs. Gigantisation et miniaturisation sont les motifs de deux titres proposés. Dans Tarantula (1955), une araignée devenue énorme à la suite d’expériences génétiques, sème la terreur dans le désert du Nevada avant de menacer une petite ville. L’Homme qui rétrécit (1957) est l’adaptation d’un roman de Richard Matheson et décrivait le calvaire d’un homme qui, à la suite d’une ­exposition à des radiations, se met à rapetisser implacablement.

Le premier s’inscrit dans une série d’œuvres relevant de genres différents, au sein desquelles Arnold avait su inventer une topographie particulière, construite sur un conflit plastique entre sauvagerie du désert et civilisation urbaine, une topographie que l’on retrouvera dans les films noirs et dans les westerns qu’il tourne à la même époque. Venue du désert, l’araignée gigantesque représente le retour de l’archaïque et du bestial que la société tente de refouler.

Bande-annonce (Trailer) L'Homme qui rétrécit de Jack Arnold (HD / VOSTFR)

Une telle idée est rendue sensible par des effets spéciaux construits sur l’usage de transparences. Une véritable tarentule est filmée en gros plan et ce plan est ensuite projeté derrière les personnages devenus de minuscules humains. Là aussi la perception d’une superposition de deux images d’origines différentes accentue le sentiment d’une rencontre mortelle entre deux univers opposés. Une araignée est aussi un des dangers de L’Homme qui rétrécit. Celle-ci menace le héros, devenu minuscule, proie désormais idéale pour un arachnide. Les conséquences de sa mutation sur sa vie conjugale et sexuelle constituent sans doute un des motifs cachés du film. Le sort du héros conduit à ce qu’il s’éloigne à la fois mentalement mais aussi physiquement de son épouse. Lorsque celle-ci renonce à partir à sa recherche après qu’il a été emporté par un écoulement dû à un dégât des eaux, est-ce par résignation ou parce qu’il n’était plus « à la hauteur » ? Une vision attentive du film rend cette hypothèse plausible.

1 coffret Blu-ray et DVD Elephant Films. Sur le web : www.elephantfilms.com, www.facebook.com/ElephantFilms,