Maisons à vendre en Alberta. La région a beaucoup souffert de l’effondrement des cours de pétrole, débuté fin 2014. | MARK RALSTON / AFP

Après la Réserve fédérale américaine, le Canada fait à son tour le choix de la hausse des taux. Ce mercredi 12 juillet, la Banque du Canada a en effet annoncé une augmentation d’un quart de point de son taux directeur, le faisant passer de 0,5 % à 0,75 %. Une première depuis 2010 qui s’explique par la bonne santé de l’économie canadienne. Ainsi, 45 300 emplois ont été créés en juin, ramenant le taux de chômage à 6,5 %, selon les dernières données publiées par Statistiques Canada. Le produit intérieur brut (PIB) devrait quant à lui croître de 2,8 % en 2017 et de 2 % en 2018, selon les prévisions de la banque centrale.

« L’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique connaissent pratiquement le plein-emploi alors qu’une reprise s’opère en Alberta, observe Stéfane Marion, économiste à la Banque nationale du Canada. Mieux, 200 000 emplois à temps plein ont été créés au cours des sept derniers mois chez les 25-54 ans, soit la meilleure performance en vingt ans pour le pays. »

Cette embellie est aussi visible dans le moral des chefs d’entreprise, au plus haut depuis 2011, selon les résultats de l’enquête trimestrielle de la Banque du Canada sur les perspectives des entreprises publiée fin juin. Autre point positif : le huard canadien a repris une certaine vigueur face au dollar américain.

Fort niveau d’endettement des ménages

Tous ces signes encourageants font dire au gouverneur de la banque centrale canadienne, Stephen Poloz, que les taux bas ont fait leur travail, c’est-à-dire protéger l’économie des contrecoups du plongeon des prix du pétrole brut entamé à la fin 2014 – l’Alberta étant la province en ayant le plus souffert – et alors que l’or noir représente un gros morceau des exportations du Canada. « La hausse des taux vient régulariser une situation exceptionnelle », juge M. Marion.

Cette hausse du taux directeur effective, les regards se tournent désormais vers les ménages alors que leur niveau d’endettement atteint des sommets. Selon Statistiques Canada, au quatrième trimestre 2016, leur dette représente 167,3 % de leur revenu disponible. Autrement dit, pour un revenu disponible de 100 dollars, le ménage moyen a une dette de 167 dollars. Avec des taux d’intérêt à la hausse, les Canadiens vont devoir consacrer davantage de leurs revenus au remboursement de leurs crédits.

Ce niveau d’endettement, combiné à la hausse des taux, pourrait avoir un impact négatif sur le marché immobilier. Cette situation inquiète les économistes de la Banque royale du Canada (RBC) qui rappellent que se loger dans certaines villes du pays coûte déjà très cher. A Vancouver et Toronto, les villes les plus inabordables du pays, les ménages consacrent en moyenne, 79,7 % et 72 % de leurs revenus pour accéder à la propriété. Un pourcentage que la RBC qualifie de « stratosphérique ».

« Faiblesse historique » des taux hypothécaires

M. Marion ne partage pas ces craintes. L’économiste oppose « la faiblesse historique » des taux hypothécaires et note que cette hausse des taux ne signifie pas pour autant la fin de « l’argent pas cher » car les taux d’intérêt demeurent en dessous du taux d’inflation.

M. Marion souligne que « même si l’immobilier constitue un maillon important de l’économie canadienne, celle-ci est différente de celle des autres pays de l’OCDE de par le poids qui prend l’immigration. » 62 % des immigrants accueillis au Canada possèdent un diplôme d’études postsecondaire, alors qu’ils sont 25 % en France, et seulement 19 % en Allemagne. « Les immigrés au Canada ont donc de bonnes chances d’obtenir de bons salaires, puis de se porter acquéreur de biens immobiliers. De fonder une famille et de contribuer pleinement à l’économie nationale », affirme M. Marion. Et celui-ci de rappeler que l’immigration contribue à hauteur de 70 % à la croissance de la démographie du pays : « C’est le pourcentage le plus élevé, là aussi, au niveau de l’OCDE. Aux Etats-Unis, le pourcentage n’est que de 35 %. » Le Canada peut donc compter sur cette « réserve » pour stimuler son économie « qui carbure au secteur immobilier ».