LES CHOIX DE LA MATINALE

Au programme cette semaine : un Spiderman très actuel qui renoue avec les comics d’origine, la chronique de trois étudiants iraniens à Paris, un film chilien porté par une comédienne transgenre, et un documentaire sur un cosmonaute qui a « vécu » depuis la station Mir le passage de l’URSS à la Russie.

L’HOMME-ARAIGNÉE PREND UN COUP DE JEUNE : « Spiderman : homecoming »

SPIDERMAN HOMECOMING Bande Annonce VF (Nouvelle // 2017)

Voici donc la troisième remise sur le métier de la franchise. Un rien foutraque dans sa forme, désinvolte dans son ton, le film traduit, selon son réalisateur, un désir de revenir aux sources des comics d’origine tout en s’imprégnant pleinement de l’air du temps présent – prolongeant ainsi la veine prometteuse créée par Marvel en 2015 avec Ant-man.

Le Peter Parker nouveau est né après le 11-Septembre, un téléphone portable dans une main, un déguisement de super-héros dans l’autre et une forte sensibilité aux minorités visibles chevillée au corps. Archétype de l’adolescent d’aujourd’hui, il apparaît sous les traits du jeune et attachant Tom Holland, à l’arrière d’une limousine conduite par un chauffeur alors qu’il vient d’être recruté par Tony Stark, alias « Iron Man », le patron des Avengers.

Plus personne ne joue aux cow-boys et aux Indiens dans les cours de récré. Les super-héros ont pris le relais dans leur imaginaire. Partant de ce constat, le film fait l’économie du récit originel pour en remixer les fondamentaux au son d’une bande originale pop tendance hip-hop. Impatient de brûler les étapes de son apprentissage et d’intégrer la dream team des Avengers, Peter explore toutes les fonctions du nouveau super-costume que lui fournit Stark Industry, tandis que son meilleur ami, Ned, un geek du meilleur tonneau, tire le film vers le buddy movie. Isabelle Regnier

Film américain de Jon Watts. Avec Tom Holland, Michael Keaton, Jon Favreau (2 h 00).

TROIS IRANIENS BATTENT LA CAMPAGNE FRANCAISE : « Avant la fin de l’été »

AVANT LA FIN DE L’ÉTÉ Bande Annonce (Cannes 2017)

Jouons cartes sur table. D’histoire, ici, il n’y en a guère, du moins au sens canonique du terme. On trouve toutefois, dans ce drôle de film franco-suisse, du jeu avec les genres, des personnages, de l’esprit, de la liberté, de l’humour, du mouvement, de la poésie, une sacrée atmosphère et un certain suspense même.

Les acteurs sont trois étudiants iraniens à Paris rencontrés dans un café, au cours d’une errance dans la capitale. Ils se sont fréquentés quelques années durant avec l’idée d’un film derrière la tête et se sont d’emblée montrés favorables au désir de Maryam Goormaghtigh. Il en résulte ce film qui prend la forme d’un road-movie dans la France estivale et profonde.

Le nœud de l’affaire vient de l’annonce, par Arash, de son prochain retour plus ou moins contraint en Iran. C’est une catastrophe pour ses deux compagnons de Cocagne française, Hossein et Ashkan, qui ne voient pas ce départ d’un bon œil. Le motif aura semblé suffisant à Maryam Goormaghtigh pour lancer les opérations filmiques avec, pour fil conducteur, le désir des deux amis de fomenter un voyage d’adieu qui, par le biais d’une probable et providentielle rencontre féminine, pourrait faire changer d’avis Arash. Délicieux. Jacques Mandelbaum

Film franco-suisse de Maryam Goormaghtigh. Avec Arash, Hossein, Ashkan, Charlotte, Michèle (1 h 20).

MARINA OU LE DEUIL CONTRARIÉ : « Une femme fantastique »

UNE FEMME FANTASTIQUE Bande Annonce (2017)

Marina est une femme transsexuelle pour qui Orlando, négociant en textile, a rompu avec sa famille. Ce n’est que lorsque Orlando est victime d’une rupture d’anévrisme, le soir de l’anniversaire de Marina, et que la jeune femme doit l’emmener d’urgence à l’hôpital, que Sebastian Lelio, qui peignait jusqu’alors les amours juvéniles d’un couple dont l’âge total approche les 80 ans, entre dans le sujet de son film.

Alors que le regard de son amant s’accordait à l’identité désirée par Marina, la renforçant par le désir, la disparition d’Orlando laisse la jeune femme – la jeune veuve, même s’il n’avait jamais été question de mariage entre eux – vulnérable aux yeux du reste du monde : les médecins, les représentants de l’Etat, et bien sûr la famille du mort, qui veut se le réapproprier et effacer la tache que représente la liaison d’Orlando pour ce clan aussi ordinaire que monstrueux.

Pour interpréter Marina, Sebastian Lelio a fait appel à Daniela Vega, elle-même transgenre, qui n’avait jamais joué la comédie. On ne le devinerait jamais en voyant Une femme fantastique. Thomas Sotinel

Film chilien de Sebastian Lelio. Avec Daniela Vega, Francisco Reyes, Luis Gnecco, Aline Küppenheim, Amparo Noguera (1 h 44).

LA CHUTE DU MUR VUE DE LA STATION ORBITALE : « Out of the present »

OUT OF THE PRESENT

Out of the present (1995) raconte l’histoire incroyable, mais pourtant bien réelle, du cosmonaute Sergeï Krikalev, parti d’Union soviétique en mai 1991 pour rejoindre la station Mir, et revenu au terme d’une mission de dix mois, en mars 1992, dans un pays qui s’appelle désormais la Russie. Une idée, un régime, un bloc, un monde se sont écroulés sous ses pieds, alors qu’il flottait en orbite à quelques centaines de kilomètres au-dessus de la Terre.

Bien qu’un tel récit éveille d’office un imaginaire de fiction, le film du Roumain Andrei Ujica, qui ressort en version restaurée, se présente sous la forme encore plus vertigineuse d’un montage d’archives, issu d’un fonds de 280 heures d’images tournées par l’équipage de la mission spatiale Ozon.

Ujica, intellectuel d’origine roumaine, installé en Allemagne depuis 1981, s’est illustré à plusieurs reprises dans ce type minutieux et patient de tissage cinématographique. Il ne fait peut-être rien d’autre ici qu’appliquer par le montage la théorie d’Einstein à l’aune de l’expérience humaine : sur terre ou dans l’espace, le temps historique ne se déroule pas de la même façon. Eprouver ainsi le vertige qui s’ouvre au-devant de Sergeï Krikalev est certainement l’une des expériences cinématographiques les plus sidérantes qui soient. Mathieu Macheret

Documentaire allemand d’Andrei Ujica (1 h 36).