Editorial du « Monde ». Emmanuel Macron ne veut pas commencer son quinquennat comme François Hollande qui, en recourant à de fortes hausses d’impôts, avait donné le sentiment de renier ses promesses. « Les gens veulent voir les engagements pris respectés, assure le président de la République dans une interview à Ouest-France, jeudi 13 juillet. Il faut donner des signaux clairs dès le début. » Il n’est pas sûr, au vu de la valse-hésitation des derniers jours, que la clarté ait été au rendez-vous.

Le 4 juillet, dans sa déclaration de politique générale, le premier ministre, Edouard Philippe, avait renvoyé à 2019 deux mesures emblématiques du candidat d’En marche ! : la suppression pour 80 % des ménages de la taxe d’habitation et le remodelage de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Quelques jours plus tard, le chef de l’Etat forçait son premier ministre à mettre en œuvre ces réformes dès 2018, au prix d’une forte dose de réduction des dépenses publiques. Et 11 milliards de baisses d’impôts sont programmées pour l’an prochain. Un délicat exercice d’équilibre.

Le président se fixe des objectifs ambitieux qui seront difficiles à tenir « en même temps » : un déficit public ramené de 2,7 % du PIB en 2018 à 0,5 % en 2022, une stabilisation des dépenses publiques qui touchera aussi bien l’Etat que les collectivités locales et la Sécurité sociale. Dans un pays que M. Philippe a décrit comme « un volcan qui gronde de plus en plus fort », le gouvernement s’est engagé, tout en voulant rénover le modèle social, dans un plan drastique d’économies budgétaires.

Prenant appui sur le rapport alarmant de la Cour des comptes – ce qui lui permet de rendre l’héritage responsable de la purge –, il a décidé de faire 4,5 milliards d’économies pour 2017 et 20 milliards pour 2018. Cela s’inscrit dans la trajectoire annoncée par M. Macron, qui prévoit 60 milliards de coupes budgétaires sur cinq ans. Selon Les Echos, la dégradation des finances publiques pourrait l’obliger à porter ce chiffre à 80 milliards, ce qui supposerait d’aller bien au-delà des 120 000 suppressions de postes envisagées dans la fonction publique.

Engager une réflexion de fond sur les missions de l’Etat

On ne peut pas reprocher à M. Macron de ne pas tenir ses promesses, la parole politique ayant souvent été discréditée par les reniements. Le souci de s’attaquer au déficit public – et à la montagne de la dette qui pèsera sur les générations futures – dans un pays qui n’a pas présenté un budget en équilibre depuis 1974 est légitime. Mais on ne peut pas tailler dans les dépenses publiques à l’aveugle, au risque d’oublier les priorités affichées pour la défense, la sécurité, l’aide au développement, la culture, et d’attiser les tensions sociales.

Dans sa déclaration de politique générale, M. Philippe avait lancé un message clair : « Si nous voulons financer nos priorités et ne pas continuer à paupériser l’Etat, nous devons choisir et remettre en cause certaines missions, faire bien ce que nous devons faire, arrêter de faire ce que d’autres font mieux que nous. »

Le premier ministre laissait entendre qu’une véritable réflexion sur les missions de l’Etat serait engagée avant de cibler les économies. Il n’en a rien été, en tout cas pour l’instant. En 2017, tous les ministères seront touchés, y compris celui de la défense.

Pour les années suivantes, le gouvernement ne pourra s’exonérer d’une réflexion de fond sur les missions de l’Etat s’il veut parvenir à réduire « l’addiction de la France à la dépense publique » sans réveiller le volcan.