La Commission européenne continue de durcir le ton par rapport à la Hongrie. Jeudi 13 juillet, elle a ouvert une « procédure d’infraction » contre cet Etat au sujet d’une loi qui entend imposer des obligations spécifiques à certaines catégories d’ONG bénéficiant de capitaux étrangers. Pour Bruxelles, le texte n’est pas conforme au droit de l’Union sur la liberté d’association, la libre circulation des capitaux et la protection de la vie privée et des données personnelles. D’après Bruxelles, la loi menace l’activité des organisations, en limitant leurs possibilités de collecter des fonds.

Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission, avait déjà évoqué, en avril, des « restrictions injustifiées », suscitant de « vives préoccupations ». La loi impose à des ONG recevant annuellement plus de 24 000 euros de financements étrangers de s’enregistrer en tant qu’« organisations bénéficiant d’un soutien de l’étranger » et de se présenter comme telles sur leur site Web, dans leurs communiqués, leurs brochures, etc. Elles doivent également livrer une série d’informations précises aux autorités.

Polémique sur l’accueil des réfugiés

Bruxelles a adressé une lettre de « mise en demeure » à la Hongrie, qui dispose d’un mois pour y répondre. Il s’agit de la première étape de la procédure d’infraction. Si la réponse est jugée incomplète ou insatisfaisante, la Commission pourra alors adresser un « avis motivé » à Budapest avant une saisine éventuelle de la Cour de justice européenne, à Luxembourg.

Le même jour, la Commission a lancé la deuxième étape de la procédure d’infraction contre la loi hongroise sur l’enseignement supérieur, qui vise principalement l’Université d’Europe centrale de George Soros, le milliardaire américain d’origine hongroise, qui est la cible de campagnes incessantes du gouvernement de Victor Orban.

Ce conflit s’ajoute à la polémique sur l’accueil des réfugiés, pour laquelle la Commission avait ouvert contre la Hongrie (mais aussi contre la Pologne et la République tchèque) une procédure d’infraction, le 13 juin. Ces trois pays refusent de participer au programme européen de répartition des demandeurs d’asile depuis l’Italie et la Grèce. Le dispositif a été adopté à la fin de 2015 et s’impose à tous les pays membres. En réaction, le premier ministre, Victor Orban, avait dénoncé le « chantage de Bruxelles ».

A Bruxelles, un autre sujet délicat, polonais celui-là, pointe et promet d’engendrer des polémiques. Le parlement de Varsovie a voté, mercredi 12 juillet, deux projets concernant le contrôle du système judiciaire. Selon l’opposition au gouvernement ultra-conservateur, cette réforme va réduire la séparation des pouvoirs et mettre à mal l’indépendance des juges.

« Les projets de lois sur le fonctionnement des tribunaux ordinaires, du Conseil national de la magistrature et de la Cour suprême, qui modifient de facto la Constitution, conduiront à abolir l’indépendance et l’autonomie des juridictions polonaises par rapport aux autorités politiques », dénoncent cinq anciens présidents du Tribunal constitutionnel.

« Ligne rouge » franchie

En 2015, le parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir avait pris le contrôle du Tribunal constitutionnel, suscitant de nombreuses manifestations. Il tente désormais de contrôler l’ensemble du système judiciaire. Interrogé jeudi, à Bruxelles, un porte-parole de la Commission a livré des réponses évasives et a refusé de se prononcer sur ces lois, affirmant qu’elles n’étaient pas définitivement adoptées (le Sénat doit les avaliser) et qu’elles devaient faire l’objet d’un examen.

Le groupe du Parti populaire européen (conservateur) au Parlement s’est montré beaucoup plus ferme. Manfred Weber, le président allemand du groupe, et Esteban Gonzalez Pons, vice-président espagnol, ont estimé que le PiS avait « franchi la ligne rouge ». Dénonçant « le vote en urgence, qui constitue un tournant pour la Pologne », les deux élus estiment que le parti au pouvoir a désormais « mis fin à l’Etat de droit et à la démocratie et quitté la communauté européenne de valeurs partagées ».

MM. Weber et Gonzalez Pons demandent l’abandon du projet de réforme et réclament des mesures contre le gouvernement de Varsovie. La Commission de Jean-Claude Juncker, mis sous pression par le parti de son président, va devoir délaisser la prudence qu’elle affichait jeudi.