Un enfant de migrants dans le bois du Puythouck, à Grande-Synthe, début juillet 2017. Capture d’écran du site Observers.france24.com.

L’une des images partagées mardi 11 juillet sur Twitter par Damien Carême, le maire de Grande-Synthe, a quelque chose de tristement familier. On y voit un petit garçon habillé d’un pull rouge, endormi allongé sur le ventre. Il a sans doute à peu près le même âge qu’Aylan, le petit Syrien retrouvé mort, dans la même position, sur une plage turque en août 2015. La photo avait ému l’Europe et contribué à interpeller sur le sort des migrants.

Cet enfant-là est bien vivant, mais survit dans des conditions sanitaires déplorables au bois du Puythouck, sur le territoire de la commune de Grande-Synthe, dans le Nord. « On s’est tous indignés pour le petit Aylan, commente le maire. Mais j’ai l’impression que depuis, on s’habitue à l’horreur, et je ne veux pas qu’on s’habitue. Quand j’ai vu ça, ça m’a retourné. »

Ces images ont été transmises par les familles à une ONG britannique, puis diffusées par France 24. Le maire confirme que les associations et les agents de mairie de Grande-Synthe connaissent ces enfants, dont un aurait apparemment réussi depuis à passer en Angleterre avec sa mère.

Cette tentative pour interpeller les pouvoirs publics via les réseaux sociaux a connu un écho sur le Web, chaque photo étant retweetée plusieurs centaines de fois. Le maire de Grande-Synthe dit aussi avoir reçu de nombreux messages indignés ou demandant comment contribuer.

Côté gouvernement, cependant, rien de plus que l’audience qui lui a été accordée, mardi 11 juillet, par la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, Jacqueline Gourault, qui lui a répondu qu’elle « transmettrait » l’information, sans rien ajouter.

Mercredi 12 juillet, le premier ministre, Edouard Philippe, a dévoilé le plan du gouvernement sur les migrations. Rien, dans ce plan, ne concerne l’ouverture de centres humanitaires pour gérer les situations d’urgence de migrants qui n’ont pas encore déposé de demandes d’asile ou ne souhaitent pas le faire, comme ceux de Grande-Synthe.

« Il n’y a rien sur l’urgence, rien sur l’accueil. Quand le premier ministre est interrogé sur ce point, il répond clairement qu’il n’a pas de solutions pour nous », s’inquiète le maire.

« Je ronge mon frein tous les jours »

Résultat, « je ronge mon frein tous les jours », dit Damien Carême, forcé de gérer une question qui ne devrait pas, en théorie, rentrer dans les prérogatives de la commune. Dans le bois de Grande-Synthe où vivent environ 350 migrants, les associations et la mairie ont installé des points d’eau et des douches, « au minimum », explique-t-il.

« De toute façon, je l’ai dit à la ministre, si vous ne faites rien, je rouvrirai un camp. » Un camp construit à Grande-Synthe a accueilli jusqu’à 1 400 migrants. Il a brûlé en avril après un an d’activité, à la suite d’une rixe.

Le gouvernement est contre la réouverture de camps, qui « ne génèrent que des problèmes », selon les mots du ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, lors de la présentation du plan sur les migrations.

« Leur crainte, c’est l’appel d’air, l’idée que les gens vont affluer si on crée des conditions à peu près correctes, s’énerve Damien Carême. Mais c’est ridicule. Quoi qu’on fasse, il y a un appel d’air, qui s’appelle l’Angleterre. »

« Les politiques passent, les non-solutions restent », déplore encore le maire, qui n’en est pas à sa première tentative pour faire réagir les pouvoirs publics, après avoir interpellé le gouvernement Valls en 2015 et avoir publié une lettre ouverte au président Macron, le 7 juillet 2017.