L’esplanade des Mosquées, aussi appelée « Sanctuaire noble », dans la vieille ville de Jérusalem. | AHMAD GHARABLI / AFP

L’événement est d’une gravité rare en raison de son emplacement. Deux policiers israéliens ont été grièvement blessés par balles et un autre plus légèrement lors d’une attaque commise tôt le matin, vendredi 14 juillet, par trois Palestiniens près de la porte des Lions, à l’entrée Est de la vieille ville de Jérusalem. Les assaillants ont ensuite pris la fuite vers l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs), située à quelques mètres de là, où ils ont été poursuivis et tués.

« L’attaque d’aujourd’hui est un événement difficile et sévère, dans lequel les lignes rouges ont été franchies », a estimé le ministre de la sécurité intérieure, Gilad Erdan, qui appelle à une révision des mesures sécuritaires autour du site. En réponse, les autorités israéliennes ont pris une mesure exceptionnelle en fermant tous les accès à l’esplanade après l’avoir évacuée.

La prière du vendredi ne pourra avoir lieu ici, pour les croyants, une première depuis 2000, selon la presse israélienne. « Le gouvernement pense que cela aura un effet dissuasif, que le prix à payer pour l’attaque est si élevé qu’il en empêchera d’autres, explique Ofer Zalzberg, analyste à International Crisis Group. Je pense qu’il a tort et que ça va accroître l’hostilité. Cette mesure sera interprétée comme une punition collective. »

Calme fragile

Un pistolet et deux armes automatiques ont été retrouvés. Des documents d’identité appartenant à des Arabes israéliens sont en cours d’authentification. Dans une vidéo, on distingue l’un des assaillants à terre sur le parvis de l’esplanade, qui se relève soudain pour fuir, avant d’être abattu alors qu’il est entouré par plusieurs policiers armés. Il reste à déterminer à quel endroit les deux autres ont été touchés.

Il ne s’agit pas d’un simple détail, aux yeux des croyants. « La situation est très compliquée, nous sommes en train de vérifier cela », explique au Monde le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld. Les forces de l’ordre israéliennes ont pour doctrine de ne pas utiliser d’armes à feu sur l’esplanade des Mosquées, sauf cas exceptionnel et mise en danger de la vie de civils ou de leurs fonctionnaires.

Le lieu saint, qui concentre les tensions, est surveillé avec une attention incomparable. Les deux dernières années ont été marquées par un calme fragile sur place, résultat d’un accord conclu entre le gouvernement israélien et le roi Abdallah II de Jordanie, destiné à préserver le statu quo historique.

Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est engagé à empêcher l’accès au mont du Temple aux députés et aux ministres ; à ne plus imposer des restrictions aux croyants musulmans en fonction de leur âge ou de leur sexe ; à limiter l’accès des juifs religieux, en veillant à ce qu’ils ne prient pas de façon ostensible, puisqu’ils sont considérés comme de simples touristes sur l’esplanade. De son côté, la Jordanie, dont dépend la fondation religieuse (Waqf) gérant le site, s’est assurée que de jeunes Palestiniens ne puissent pénétrer de nuit à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa, pour ensuite y amasser des pierres et affronter la police.

« La situation est très alarmante »

Vendredi matin, Benyamin Nétanyahou s’est entretenu avec tous les responsables de l’appareil sécuritaire. Il a répété son engagement en faveur du statu quo, par un bref communiqué. Ces efforts mutuels entre Israël et la Jordanie ont été productifs, jusqu’à récemment. « Depuis deux mois, explique Ofer Zalzberg, la police a facilité l’accès au site pour les activistes juifs du mont du Temple. Le 29 juin, Yoram Halevy, le chef de la police de Jérusalem, a même été pris en photo en train d’être béni par un juif religieux, dans le cadre d’une visite commémorative, un an après l’assassinat d’une jeune fille de la colonie de Kyriat Arba. La situation est très alarmante. Les Palestiniens voient de plus en plus la police comme prenant parti en faveur des activistes du mont du Temple. La police est supposée s’assurer du respect du statu quo et du fait que seuls les musulmans peuvent prier. »

Le 18 juin, trois assaillants palestiniens ont tué une membre de la police aux frontières, à la porte de Damas. Les autorités israéliennes ont craint un effet de mimétisme et d’autres attaques. Mais en plein mois de ramadan, si crucial à la fois pour les croyants et pour les marchands palestiniens, le calme a été préservé.

Mais un événement récent a encore accru les motifs d’inquiétude. Benyamin Nétanyahou a longtemps résisté aux pressions de la droite messianique et nationaliste, poussant pour le rétablissement du droit de visite des ministres et des députés sur le mont du Temple. Le premier ministre tenait à ne pas contrarier le roi de Jordanie. Mais le député (Likoud) Yehuda Glick, connu pour son engagement en faveur d’un droit de prière des juifs sur le lieu saint, a déposé un recours devant la Haute Cour de justice. En réponse, le parquet général a prévu de rétablir le droit de visite pour les officiels pour une période d’essai de cinq jours, à compter du 23 juillet. Mais on ne sait quelles conséquences aura l’attaque de vendredi sur cette initiative.