En apparence, le Sénat s’est rallié sans broncher à la volonté du pouvoir de moraliser la vie politique. Le Palais du Luxembourg a adopté, jeudi 13 juillet, le projet de loi du gouvernement « rétablissant la confiance dans l’action publique », en approuvant à une très large majorité les deux textes de cette réforme emblématique du quinquennat Macron. De quoi ravir le président (LR) de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, qui a tout fait pour renvoyer l’image d’une institution capable de se réformer. Quitte à abolir certains privilèges acquis de longue date.

En réalité, cette approbation au projet de loi présenté par la ministre de la justice, Nicole Belloubet, s’est faite dans la douleur. Bon nombre d’élus ont fait preuve de résistance pour ne pas adopter de nouvelles règles, visant notamment à éviter les conflits d’intérêts. Mais la pression de l’opinion est si forte sur ces sujets que la majorité a intégré qu’il leur était compliqué de s’opposer frontalement à une telle réforme. « Beaucoup de points ne nous plaisaient pas, mais on ne pouvait pas renvoyer l’impression d’un Sénat arc-bouté sur ses petits avantages… », analyse un élu LR, lucide.

En témoigne la manière dont a été adoptée l’interdiction des emplois familiaux pour les parlementaires. Dans une institution où 59 sénateurs emploient un membre de leur famille, le sujet était loin de faire l’unanimité. Une partie a estimé faire les frais de l’affaire des emplois présumés fictifs de la famille de François Fillon, de manière injuste. « Ce n’est pas le fait d’employer des membres de sa famille qui est blâmable, c’est de le faire de manière fictive », a résumé Maurice Antiste (PS).

Remboursements sur justificatifs

Il faisait partie de la quarantaine de sénateurs, qui ont rejeté dans la nuit de mardi à mercredi la suppression des emplois familiaux pour les parlementaires, après l’avoir validée – en revanche – pour les ministres et les responsables d’exécutifs locaux. Comme s’il s’agissait de maintenir un privilège propre aux parlementaires… Furieux de cette mauvaise publicité, Philippe Bas a immédiatement demandé une seconde délibération pour rétablir l’interdiction pour les parlementaires. Ce qui a été le cas vingt-quatre heures plus tard. « On peut débattre de la pertinence de la mesure mais il y a eu des excès, qui nous obligent à accepter des règles fortes », tranche Fabienne Keller (LR).

De la même manière, les sénateurs ont approuvé d’autres mesures phares, en les amendant. Et non sans avoir manifesté leur désapprobation. Ils ont ainsi validé la suppression de la réserve parlementaire, cette enveloppe de 146 millions d’euros annuels qui permet aux députés et aux sénateurs de financer des projets locaux. Après s’être alarmés du manque à gagner pour les zones rurales, ils ont proposé de remplacer cette réserve par une dotation transparente de soutien à l’investissement des communes. Ils ont aussi voté la fin de l’indemnité représentative de frais de mandat – qui s’élève pour eux à 6 037 euros net par mois non imposables – pour la remplacer par un système de remboursement sur justificatifs. Seul point du texte rejeté : la volonté du gouvernement de créer une « banque de la démocratie » pour que les partis politiques et les candidats puissent se financer avec de l’argent public.

Lors de ces quatre jours d’examen au Sénat, plusieurs élus se sont émus d’être victimes d’un climat de suspicion généralisé vis-à-vis des responsables politiques. A l’instar du patron du groupe LR, Bruno Retailleau : « Quels que soient les efforts que nous fassions, nous encourons toujours les mêmes critiques. Car derrière ceux qui avancent pour laver plus blanc que blanc, il y a une forme d’antiparlementarisme qui court jusqu’au populisme. » Au tour des députés, désormais, d’examiner ce projet de loi à partir du 24 juillet. Sachant que le gouvernement prévoit son adoption définitive, début août, par le Parlement.