Le livre de condoléances à la mémoire de Liu Xiaobo, installé à l’extérieur du Bureau de liaison chinois à Hongkong, le 13 juillet 2017. | ISAAC LAWRENCE / AFP

Editorial du « Monde ». Lorsque, en 2008, le dissident chinois Liu Xiaobo et ses amis choisirent de baptiser « Charte 08 » le manifeste sur lequel ils avaient travaillé pour appeler à des élections libres et à une gouvernance démocratique en Chine, ils firent ce choix en référence directe à la célèbre Charte 77, élaborée en 1977 par le dissident tchécoslovaque Vaclav Havel et ses amis, en pleine stagnation soviétique.

Dans toutes les réactions occidentales, la référence aux droits de l’homme a brillé par son absence.

Vaclav Havel, homme de lettres comme Liu Xiaobo, fit également plusieurs séjours en prison. Mais, un jour, il devint président de la République. Nelson Mandela connut aussi cette formidable revanche, après vingt-sept ans de détention.

Liu Xiaobo, lui, est mort, jeudi 13 juillet, achevé par un cancer, sans avoir pu retrouver la liberté. Il venait d’accomplir huit ans d’une peine de onze ans d’emprisonnement prononcée pour « incitation à la subversion de l’Etat », en lien direct avec sa participation à la Charte 08. Comme Nelson Mandela, il était lauréat du prix Nobel de la paix, mais lui n’avait pas pu aller le recevoir.

Au G20, le sujet a été évité

Sachant sa fin proche, le régime chinois l’a « libéré » au dernier moment, ce qui lui a permis de mourir à l’hôpital entouré des siens, en particulier de sa femme, Liu Xia. Mais il a refusé de laisser le couple partir à l’étranger, où Liu Xiaobo aurait pu être soigné et où Liu Xia, actuellement assignée à résidence, aurait pu vivre libre, en exil.

L’autre différence est que les gouvernements démocratiques se battaient pour Vaclav Havel, Nelson Mandela et Andreï Sakharov. Les opposants aux régimes totalitaires étaient des causes célèbres en Occident. Il ne se passait pas un sommet ni une conférence internationale sans que leurs noms soient évoqués. Des négociations au plus haut niveau étaient ouvertes pour tenter d’obtenir leur libération, l’amélioration de leurs conditions de détention, voire leur échange.

Les gouvernements démocratiques se battaient pour Havel, Mandela et Sakharov. Cette ère-là est révolue.

Cette ère-là est révolue. Au G20 de Hambourg, les 7 et 8 juillet, le sujet a été évité : le président Xi Jinping était là. Vendredi, lorsque, au cours de leur conférence de presse conjointe à Paris, les présidents Donald Trump et Emmanuel Macron ont été interrogés par un journaliste chinois sur leurs impressions à propos de M. Xi, ils ont tous deux célébré « un des grands leaders de notre monde » (M. Macron), « un ami, un leader de talent, un homme très bon » (M. Trump), mais n’ont pas eu un mot pour dénoncer la mort d’un Prix Nobel de la paix en détention.

Le président français a ensuite, en 131 signes sur Twitter, rendu « hommage à Liu Xiaobo, Prix Nobel de la paix, grand combattant de la liberté » et exprimé son « soutien à ses proches et à son épouse ». A Washington, le secrétaire d’Etat Rex Tillerson a appelé à la libération de Liu Xia et à son transfert en Occident.

Sa femme, Liu Xia, doit être libérée

Dans toutes ces réactions occidentales, la référence aux droits de l’homme brille par son absence, de même que la condamnation de l’inhumanité du régime chinois dans le traitement de ses opposants.

C’est une indignité morale, et c’est une erreur politique. Le président Xi a beau représenter une puissance économique ascendante, il a beau être un allié des Européens sur le front du climat, il a beau être un enjeu considérable dans les négociations commerciales, il peut faire tout cela en respectant la vie de ses concitoyens qui osent militer pour la liberté.

Ce devrait être le devoir des Occidentaux de le lui rappeler. La moindre des choses, aujourd’hui, c’est qu’ils se battent pour obtenir la libération de Liu Xia et son départ pour le pays de son choix.