Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahu, à Paris, le 16 juillet. | KAMIL ZIHNIOGLU / REUTERS

Editorial du « Monde ». L’art de la politique, disait Frédéric II, roi de Prusse, « n’est pas de faire naître les occasions, mais de savoir en tirer parti ». La diplomatie du président Emmanuel Macron, depuis son entrée en fonctions le 10 mai, est l’exacte application de ce principe.

Les sommets de l’OTAN et du G7, deux semaines à peine après son élection, lui ont fourni l’occasion de faire une irruption remarquée dans le cénacle des grands du camp occidental. Son goût de la mise en scène, un petit jeu de rôle avec le président Donald Trump et l’auréole encore fraîche de sa victoire sur Marine Le Pen, confirmant le recul du populisme en Europe, l’ont aussitôt placé sur le devant de la scène diplomatique.

La suite était plus risquée. Trois occasions se présentaient : l’inauguration de l’exposition « Pierre le Grand » à Versailles ; le centenaire de l’entrée des Etats-Unis au côté de la France dans la première guerre mondiale ; l’anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv. M. Macron a saisi les trois, en invitant successivement le président russe, Vladimir Poutine, à Versailles, le président américain sur les Champs-Elysées pour le défilé du 14-Juillet et le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, pour commémorer avec lui les tragiques journées des 16 et 17 juillet 1942.

Par ces trois initiatives, à l’égard de dirigeants largement impopulaires, voire jugés infré­quentables en France et dans nombre d’autres démocraties occidentales, le président Macron a envoyé plusieurs signaux. D’abord, que l’inexpérience peut être compensée par l’audace ; il l’avait montré en se faisant élire, il restait à le traduire dans l’arène diplomatique. Ensuite, que le dialogue est préférable à l’ostracisme, car chacun de ces pays, la Russie, les Etats-Unis, Israël, jouent à des titres divers un rôle-clé dans les différentes crises internationales auxquelles l’Europe est confrontée. Enfin, que la France, puissance diplomatique et militaire, est revenue dans le jeu.

Marque de fabrique

M. Macron a remporté haut la main la première manche de cette offensive. Il l’a fait en appliquant une méthode qui est désormais sa marque de fabrique, mélange d’ancrage dans l’Histoire, de recours à toute la pompe de la République, de déploiement de son charme personnel, quitte à friser la flatterie, et de franchise dans le dialogue. Les trois dirigeants sont repartis satisfaits – voire conquis, si l’on en juge par le Tweet de remerciement du président Trump, véritable vidéoclip de promotion pour la France. Quant aux Français, qui ont à peine daigné se déranger pour manifester, ils semblent avoir compris le sens de ces invitations. L’opportun conseil des ministres franco-allemand à Paris, le 13 juillet, a rappelé l’autre volet de la politique étrangère de M. Macron, la dimension européenne.

M. Macron a expliqué au Journal du dimanche qu’il veut éviter, en établissant une relation directe avec M. Trump, que celui-ci « ne construise des alliances opportunistes avec d’autres nations qui pourraient mettre à mal cette grammaire internationale dont nous avons tant besoin ». C’est bien vu. Les crises qui bouleversent l’ordre international sont graves et profondes ; il est essentiel de garder les canaux de communication ouverts et de réaffirmer avec fermeté les principes sur lesquels cet ordre doit être fondé. Le président français ne doit cependant pas se laisser griser : il reste à donner corps à ces initiatives. Mais c’est un bon départ.