Marlène Schiappa, à l’Elysée, le 22 juin 2017. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Après avoir dragué les associations féministes pendant sa campagne, Emmanuel Macron semble prendre ses distances. Exit le « ministère plein et entier des droits des femmes », qui s’est soldé par un secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, rattaché au premier ministre. A la diète le secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le budget devrait être revu à la baisse.

Le temps du « I’m feminist », lancé par le candidat En marche ! lors du Women’s Forum for the Economy and Society, en décembre 2016, semble loin. Neuf mois plus tard, celui qui se présentait comme un candidat « profondément féministe » est devenu président. Et les promesses sur l’égalité hommes-femmes, grande cause nationale du quinquennat, semblent avoir été supplantées par une autre promesse de campagne, celle d’économiser 60 milliards d’euros sur cinq ans.

« Un budget déjà ridicule »

Alors que les budgets sont en train d’être finalisés dans les différents portefeuilles ministériels, plusieurs associations féministes s’inquiètent d’une restriction drastique dans l’enveloppe allouée aux droits des femmes. Le Journal du dimanche évoque une coupe de 25 %, soit un budget qui passerait à 20,1 millions d’euros. Selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, le budget alloué aux droits des femmes s’élevait à 29,6 millions d’euros en 2016, soit 0,05 % du budget global de l’Etat.

« Ça n’a pas de sens de faire des économies sur un budget aussi ridicule », s’alarme Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui évoque ces mêmes chiffres, obtenus « de manière officieuse mais de sources en lien avec le ministère ». Pour obtenir une réponse formelle, une vingtaine d’associations, ainsi que l’ancienne ministre chargée des droits des femmes, Laurence Rossignol, ont adressé, lundi 17 juillet, une lettre à Edouard Philippe et à la secrétaire d’Etat, Marlène Schiappa.

De son côté, le secrétariat « dément formellement le chiffre des 25 % » mais confirme « des économies nécessaires », précisant que les arbitrages seront rendus d’ici à la fin du mois.

Les frais de fonctionnement rabotés

Le cabinet tente toutefois de minimiser ces coupes budgétaires, en soulignant que la dimension interministérielle du secrétariat d’Etat, rattaché à Matignon, permettra que des projets portant sur les droits des femmes soient financés par d’autres ministères. « Par exemple, les interventions en milieu scolaire portant sur l’égalité hommes-femmes seront portées par le ministère de l’éducation », fait savoir l’entourage du secrétariat d’Etat, qui précise que « la grande cause nationale, financée par l’Elysée et Matignon, apportera un budget supplémentaire pour le droit des femmes ». Et de résumer :

« Au lieu d’avoir un seul budget, sous un seul ministère, nous avons une addition de budgets. »

De l’aveu du secrétariat d’Etat, une baisse du budget semble toutefois inévitable. Concernant les secteurs qui seront impactés, le cabinet se montre rassurant, précisant qu’il s’agira de coupes « dans les frais de fonctionnement, comme la suppression des notes de frais et des réceptions ».

« Pour éviter les abus », le secrétariat d’Etat compte passer au peigne fin chacune des demandes de subventions adressées par les associations. « Il n’y aura plus de reconductions automatiques », résume le cabinet de Marlène Schiappa, précisant que « les associations qui ne rendent pas compte de l’utilisation de l’argent public ne seront pas reconduites ». Les associations devront désormais répondre à deux questions : « les actions qu’elles mènent font-elles partie des priorités des missions du ministère ? Et ces actions sont-elles effectives et efficaces ? »

« Un blocage inédit »

Selon le secrétariat d’Etat, la priorité sera donnée aux associations « dont l’objet est l’accueil des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles ». L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, qui bénéficie de subventions de l’Etat depuis vingt ans, rentre dans ces prérogatives, mais évoque « une situation de blocage inédite ».

Si Marlène Schiappa a bien signé la convention 2017-2019 avec cette association, celle-ci n’a toujours pas reçu la première tranche de subventions censées lui être allouée depuis juin. Financée à 80 % par les subventions de l’Etat, à l’instar d’une vingtaine d’autres associations féministes, l’AVFT avait pourtant réclamé cette année une hausse de ses budgets.

« Nous avons de plus en plus de signalements de cas de harcèlement au travail », souligne l’AVFT qui rappelle qu’elle participe à une mission pour laquelle elle a été mandatée par l’Etat. « L’Etat nous délègue une partie de ce qui doit être fait par les services publics parce que nous avons une expertise sur le domaine. Il faut que nous puissions continuer à remplir cette mission », appuie Isabelle Gillette-Faye, porte-parole de la fédération nationale Gams (Groupe femmes pour abolition mutilations sexuelles et des mariages forcés), qui estime que ce désengagement de l’Etat risque de « laisser de nombreuses victimes de violences sur le carreau ».