Des manifestants brandissant la Constitution polonaise lors d’un rassemblement à Cracovie, dimanche 16 juillet. | AGENCJA GAZETA / REUTERS

« A bas Kaczor [« canard mâle », sobriquet donné à Jaroslaw Kaczynski, le chef du parti au pouvoir] le dictateur ! », scandaient les manifestants rassemblés dans l’après-midi devant le Parlement polonais à Varsovie. Des milliers de personnes ont manifesté dimanche 16 juillet en Pologne, notamment devant le Parlement et la Cour suprême de la capitale, pour dénoncer les réformes controversées du système judiciaire menées par les conservateurs au pouvoir.

Le nombre de manifestants ayant répondu à l’appel du Comité de défense de la démocratie (KOD) s’élevait à 4 500, selon la police, tandis que la mairie, fief de l’opposition, annonçait 10 000 participants.

Les dirigeants des deux principaux partis d’opposition, Plateforme civique (PO, centriste) et Nowoczesna (libéral), Grzegorz Schetyna et Ryszard Petru, ont prononcé des discours musclés, s’engageant à collaborer étroitement pour s’opposer à la politique de Droit et Justice (PiS) dirigé par M. Kaczynski.

Les juges dans la rue

Les deux chambres du Parlement polonais ont approuvé cette semaine deux projets de loi qui, aux yeux de l’opposition, marquent un pas vers la prise de contrôle du système judiciaire par la majorité conservatrice et affaiblissent la séparation des pouvoirs.

La première des deux lois porte sur le statut du Conseil national de la magistrature et stipule que le Parlement, où le PiS a la majorité, choisira désormais ses membres. La deuxième loi modifie le régime des tribunaux de droit commun, dont les présidents seront nommés par le ministre de la justice. Une autre proposition de loi très controversée, encore en discussion, donne au ministre de la justice d’importants pouvoirs sur la Cour suprême.

« Tout cet ensemble de lois [sur le système judiciaire] est un scandale », estime Agnieszka Janczarska, une juriste de Varsovie âgée de 39 ans, qui manifeste avec des petits drapeaux polonais et européen. « C’est la destruction des principes fondamentaux de la démocratie, à savoir de la séparation des pouvoirs. »

Dans la soirée, l’association des juges Iustitia a tenu sa propre manifestation devant la Cour suprême, lors de laquelle les participants ont créé une « chaîne de lumière » avec des chandelles. La police n’a donné aucune estimation de leur nombre, tandis que la ville l’a évalué à 17 000. Beaucoup d’entre eux venaient de participer au premier rassemblement devant le Parlement. Des manifestations similaires ont été organisées dans plusieurs villes de province, dont Cracovie, Szczecin et Wroclaw.

La « caste » des magistrats

Les deux lois n’ont plus besoin que de la signature présidentielle pour entrer en vigueur. L’approbation du chef de l’Etat Andrzej Duda, proche du PiS, majoritaire dans les deux chambres, est considérée comme très probable.

Justifiant ces lois, le ministre de la justice Zbigniew Ziobro a accusé le Conseil de la magistrature d’être « une corporation qui, elle seule, décide de tout » et les magistrats d’être une « caste » dont les racines plongent dans l’époque communiste et qui sert les intérêts de certains groupes politiques.

La Pologne s’est déjà attiré des critiques de la Commission européenne pour sa réforme du Tribunal constitutionnel, qui a suscité des inquiétudes sur l’évolution de l’Etat de droit dans ce pays de 38 millions d’habitants, membre de l’UE et de l’Otan.