Capture d’écran de la vidéo postée par le YPG en hommage à Robert Grodt, le 10 juillet. | YPG PRESS OFFICE / Youtube

C’est l’histoire d’un père de famille mort au front comme l’Amérique en connaît tant, mais lui ne portait pas l’uniforme de son pays. Tout commence en septembre 2011, alors que le mouvement contre les dérives de la finance « Occupy Wall Street » fait florès à New York. La vidéo d’une manifestante se faisant asperger de gaz poivré par un agent de la police new-yorkaise fait le tour de la Toile. L’activiste en question, Kayleen Dedrick, une assistante pédagogique de 24 ans à l’époque, tombe amoureuse du manifestant et médecin bénévole qui lui a rincé les yeux, un certain Robert Grodt.

Un an plus tard, les deux amants révoltés continuent de faire parler d’eux avec la naissance de leur fille, Teagan Kathleen Grodt, conçue pendant les manifestations dans le camp de fortune du parc Zuccotti, à Manhattan. Les médias américains surnomment rapidement le bébé « Occubaby ». Mais en février 2017, alors qu’il n’a ni entraînement militaire et ni lien particulier avec la région, le jeune père s’envole pour la Syrie, où il rejoint les rangs des Unités de protection du peuple (YPG) dans le nord-est du pays.

« Aider le peuple kurde dans sa lutte pour l’autonomie »

Sur le terrain, ces milices kurdes sont le premier allié de la coalition occidentale menée par Washington contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie. Elles forment la branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD), le groupe à majorité kurde qui domine actuellement une partie du nord de la Syrie, le « Kurdistan syrien », connu sous le nom de Rojava. Pour Ankara, le PYD est une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) turc, son ennemi juré, classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne.

Dans une vidéo publiée par les YPG, Robert Grodt explique les raisons de son départ en Syrie :

« J’ai choisi de rejoindre les YPG pour aider le peuple kurde dans sa lutte pour l’autonomie en Syrie et ailleurs, et aussi pour faire de mon mieux pour combattre l’EI et aider à créer un monde plus sûr. »

L’Américain a commencé à s’intéresser au combat des Kurdes en 2004. Puis, en 2014, le YPG s’illustre lors de la bataille de Kobané. « Tous les gens que je connaissais regardaient ce qui se passait et attendaient. (…) J’ai des amis qui sont partis et ont été aider. » Pour cet activiste, la « lutte politique » des Kurdes est fondamentale. « C’est une vraie opportunité de participer à quelque chose de très important pour la région, expliquait-il encore dans une autre vidéo. Pas seulement pour les Kurdes, mais aussi pour le Moyen-Orient en général. »

YPG Martyr Robert Grodt (Demhat Goldman)

Dans un article du New York Times, la mère de Robert Grodt décrit sa décision de partir comme une extension de sa vie passée à se battre pour les opprimés et pour ce qu’il considérait être « la bonne cause ».

« A ma fille, je suis désolé de ne pas être là »

Le 7 juillet, le département d’Etat américain a appris à la famille Robert Grodt son décès à la périphérie de Rakka, à l’âge de 28 ans, sans donner davantage de détails. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance militaire dominée par les forces kurdes syriennes qui opère en coordination avec la coalition internationale, mènent depuis novembre 2016 une offensive contre la « capitale » syrienne de l’EI. Elles sont entrées dans la ville le 6 juin, et ont pris le contrôle de plusieurs quartiers.

Le 11 juillet, les YPG ont publié un nouveau clip annonçant la mort de Robert Grodt et son statut de « martyr ». Ils ont annoncé dans la foulée la mort de deux autres combattants étrangers, le Britannique Luke Rutter et l’Américain Nicholas Alan Warden. Dans une vidéo, ce dernier affirme avoir rejoint la milice kurde « pour combattre l’EI à cause des attentats terroristes d’Orlando, de San Bernardino, de Nice et de Paris ».

Dans sa dernière vidéo, Robert Grodt a laissé un message à sa femme et son enfant de 4 ans : « Sachez que je vous aime et qu’il y a beaucoup de non-dits. A ma fille, je suis désolé de ne pas être là. »