Les ouvriers de l’usine de pièces automobiles GM & S Industry ont bloqué la fonderie de Sept-Fons, une filiale du groupe PSA, le 5 juillet 2017 à Dompierre-sur-Besbre (Allier). | THIERRY ZOCCOLAN / AFP

A quelques jours de la décision du tribunal de commerce de Poitiers, prévue le vendredi 21 juillet, le sauvetage de l’équipementier creusois GM & S – en redressement judiciaire depuis décembre – ne tient plus qu’à un fil. Malgré l’activisme du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et de ses conseillers, le plan de reprise du sous-traitant automobile ne semble toujours pas bouclé.

Ce plan prévoit un rachat de GM & S par le leader français de l’emboutissage, l’entreprise stéphanoise GMD, qui s’engage à reprendre 120 des 277 salariés. Il est assorti d’engagements en matière d’investissements et de commandes de pièces de la part des deux grands constructeurs automobiles Renault et PSA. Mais le projet, soumis à un certain nombre de conditions, est en train de patiner sérieusement.

Pour les salariés, le nombre de personnes reprises et la question du montant des indemnités pour ceux qui seront licenciés sont des points de blocage sérieux. Mais le vrai gros caillou qui pourrait gripper toute la machine est la question de l’investissement. Il va falloir réinjecter dans l’usine 15 millions d’euros. Cette requête ne faisait pas partie de la demande initiale de GMD, mais elle a été, selon Bercy, ajoutée il y a quelques semaines à la liste des conditions nécessaires par le futur repreneur.

PSA « oppose un démenti formel »

Lundi 17 juillet, soit quarante-huit heures avant l’examen par le tribunal de commerce de Poitiers, le ministère de l’économie a publié un communiqué faisant le point sur l’état du dossier. Si Bercy s’est félicité de la plupart des avancées et en particulier de l’engagement des constructeurs en matière de chiffre d’affaires généré pour GM & S (12 millions d’euros côté PSA, 10 millions pour Renault, le tout assorti d’un engagement de cinq ans), une phrase n’aura pas manqué d’inquiéter les salariés.

« L’Etat et le groupe Renault ont confirmé leur volonté de financer chacun 5 millions d’euros, soit un total de 10 millions, souligne Bercy dans son communiqué. Le groupe PSA a confirmé ce jour au ministre de l’économie et des finances qu’il ne souhaitait pas participer à ce financement. Il manque donc 5 millions d’euros pour faire aboutir la reprise. »

Autrement dit, PSA en renâclant sur ce dernier point va faire capoter toute l’affaire.

Faux et injuste, réplique en substance le groupe Peugeot-Citroën dans un contre-communiqué publié le même jour. Dans ce texte, PSA « oppose un démenti formel » aux « informations erronées » contenues dans la déclaration de Bercy et rappelle « qu’il s’est toujours engagé à investir dans GM & S avec un plan précis de 4 millions d’euros ». Drôle d’ambiance ! Etonnant aussi de voir ces chamailleries étalées en place publique entre l’une des plus grandes entreprises françaises et l’un de ses principaux actionnaires, en l’occurrence l’Etat.

« C’est de l’enfumage »

En privé, c’est même pire. Chacun des acteurs du drame accuse l’autre de travailler secrètement à saboter le sauvetage tout en lui faisant porter le chapeau de l’échec de la reprise.

« Les 4 millions d’euros mis sur la table par PSA c’est de l’enfumage, rouspète un négociateur. Ce n’est en rien l’effort supplémentaire demandé par GMD, mais un investissement habituel dans des machines et des moules destinées à produire les futures pièces. Cet outillage spécifique reste de toute manière la propriété du constructeur. Renault va également acheter des machines et des moules en plus des 5 millions d’investissement pour un montant qu’il n’a pas souhaité dévoiler. »

Dans le camp adverse, on estime que c’est Bercy qui brouille l’écoute avec la complicité de Renault, et on se demande à quoi vont servir concrètement ces 5 millions supplémentaires réclamés à PSA, sinon à acheter la paix sociale.

« PSA demande, dans un souci de transparence et d’impartialité, que les engagements détaillés en matière de chiffre d’affaires pour 2018, 2019 et 2020 soient rendus publics, conformément aux chiffres transmis par les parties prenantes au ministère de l’économie », a déclaré un porte-parole de l’entreprise au Monde. Autrement dit, que chacun fasse l’effort de chiffrage précis réalisé par PSA.

Qui plus est, la firme au lion souligne que ses engagements répondent aux attentes du repreneur GMD. PSA a ainsi expliqué avoir reçu une lettre en date du 17 juillet envoyée par Alain Martineau, PDG de GMD, à son gros client qu’est Carlos Tavares, président de PSA. Dans cette missive, que Le Monde a pu consulter, le repreneur potentiel assure à M. Tavares que le « chiffre d’affaires de 12 millions d’euros annuels supporté par un investissement de 4 millions d’euros en outillages spécifiques (…) est suffisant pour conforter l’exploitation du site. Je n’ai pas d’autre attente à votre égard ».

Un dossier mal engagé

Qui joue au plus fin ? Qui tente d’embrouiller l’affaire ? Qui est le roi du poker menteur ? Difficile de le dire, à ce stade de l’histoire. Ce qui paraît clair c’est que le dossier semble fort mal engagé. En réalité, aucun des protagonistes n’est très désireux d’y aller. Ni Renault ni PSA, qui confient en coulisse ne voir guère de rationalité économique dans le sauvetage de cet équipementier.

GMD ne montre guère plus d’enthousiasme. « Comme je l’ai plusieurs fois indiqué au ministère, déclare M. Martineau dans sa lettre à M. Tavares, cette reprise est uniquement motivée par des conditions d’aménagement du territoire, de difficultés sociales et de perturbations qui sont toutes du ressort des pouvoirs publics. » GM & S est le deuxième employeur du département de la Creuse, après l’hôpital de Guéret. Pour les salariés, c’est à la fois un malheur et une petite chance.