Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, le 19 juillet à l’Assemblée nationale. | FRANCOIS GUILLOT / AFP

« Nous allons redonner confiance à l’entreprise France. » Le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, a tenté de tenir un discours résolument optimiste, jeudi 20 juillet, lors de l’ouverture du débat d’orientation sur les finances publiques en séance, à l’Assemblée nationale, pour l’élaboration du budget qui sera mis en œuvre en 2018. « Nous allons rompre avec une décennie de promesses non tenues », a-t-il encore assuré.

Voilà pour les grandes formules. Car sur le fond, M. Darmanin s’est surtout efforcé de justifier les coupes prévues dans les dépenses publiques, en rappelant les grandes priorités fiscales du gouvernement pour ce début de quinquennat. L’exécutif, qui promet 11 milliards d’euros de baisse d’impôts dès 2018, entend rester coûte que coûte sous les 3 % de déficit public en 2017 et 2018. Pour y parvenir, le gouvernement procède dès cette année à une coupe de 4,5 milliards d’euros d’économies sur le budget déjà voté, puis 20 milliards l’année prochaine. Une équation compliquée, qui a contraint le pouvoir à réaliser des économies, en particulier dans les domaines de la défense et de l’intérieur à hauteur de 1,4 milliard, mais aussi dans la justice, la recherche, la culture, les droits des femmes ou les aides au développement.

« Le gouvernement a fait le choix de faire reposer la consolidation budgétaire uniquement sur des économies en dépenses, pas sur les impôts », s’est targué le ministre du budget, en s’alarmant de la situation de « déficit chronique » de notre économie. Prétendant mettre en œuvre « une révolution copernicienne », M. Darmanin a expliqué que le gouvernement souhaitait « mettre la dépense publique au service de la croissance et de l’emploi et non l’inverse ». « Nous ne cherchons pas à faire moins pour faire moins mais à faire moins pour faire mieux », a-t-il affirmé.

Précisant que « l’effort de réduction des dépenses sera réparti sur l’ensemble des administrations » (Etat, Sécurité sociale et collectivités territoriales), l’ancien protégé de Nicolas Sarkozy a préféré insister sur les gains en termes de pouvoir d’achat, soulignant qu’il sera « redonné » 550 euros, par an en moyenne, à 80 % des Français, grâce à la suppression progressive de la taxe d’habitation. Et 260 euros par an grâce à la baisse des cotisations salariales pour un salarié au smic, qui sera financée par une hausse de la CSG de 1,7 % dès 2018.

Gérald Darmanin a enfin annoncé aux députés que « toute l’action réformatrice » du gouvernement se concentrera dans les prochains mois « sur l’amélioration de l’efficacité des politiques du logement, de formation professionnelle et d’intervention sociale ». Comprendre : c’est dans ces trois domaines principaux qu’auront lieu les prochaines réductions de dépense publique.

Augmentation de la CSG

Dans la foulée, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a réaffirmé la volonté du gouvernement de « baisser » les dépenses publiques et les impôts pour les contribuables, comme pour les entreprises. « C’est le PDG de l’entreprise France ! », a lancé, de manière moqueuse, un député de La France insoumise, en reprenant la formule employée par M. Darmanin. Le patron de Bercy a plaidé pour « des réformes de structure », en vantant notamment celle du code du travail, actuellement en examen au Parlement, « car elle va retirer la peur d’embaucher chez l’entrepreneur ». « Nous voulons faciliter la vie quotidienne des entrepreneurs, avec moins de charges, moins de normes… », a assumé l’ancien candidat à la primaire de la droite, partisan d’une politique de l’offre dans le domaine économique. Il a aussi justifié les orientations budgétaires retenues par la nécessité de se conformer aux exigences européennes en matière de déficit.

« C’est une stratégie de rupture, de conquête, qui s’appuie sur la puissance de nos entreprises », a déclaré M. Le Maire, en confirmant la volonté du gouvernement d’augmenter la CSG de 1,7 point en 2018, afin de réduire les cotisations salariales ; de transformer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales patronales en 2019 ; et de réformer l’ISF pour qu’il porte uniquement sur l’immobilier et non plus sur les actifs financiers (actions, obligations…).

« Le gouvernement est fâché avec les chiffres ! », a rétorqué Eric Woerth, président (Les Républicains) de la commission des finances de l’Assemblée nationale, en assurant que le gouvernement ne devait pas réaliser 20 milliards d’économie en 2018 pour rester dans les 3 % de déficits, mais plutôt « 30 milliards ». Dans la lignée de l’entretien qu’il avait accordé au Monde la veille, M. Woerth a reproché à l’exécutif de concentrer les efforts d’économies « sur le régalien » et de ne pas avoir prévu de « mesure de compensation » pour les retraités touchés par une hausse de la CSG.

L’ISF sur l’immobilier maintenu

Autre député LR féru des questions budgétaires, Marc Le Fur a aussi émis des réserves sur plusieurs mesures du gouvernement, soulignant notamment que la taxation accrue du diesel risque de « pénaliser ceux qui n’ont pas de transport en commun ». « Vous favorisez l’investissement nomade au détriment de la fortune sédentaire », a-t-il encore reproché aux ministres présents, en soulignant le besoin « d’investissement dans l’immobilier locatif ».

« Maintenir l’ISF sur l’immobilier est incohérent car les détenteurs de biens immobiliers vont vendre pour convertir leur patrimoine en actions ! », s’est encore alarmé le spécialiste du budget, Charles de Courson (Les Constructifs). Lequel a aussi « reproché » au gouvernement de supprimer la taxe d’habitation, « sans inventer un autre impôt de substitution ». Quant à la hausse du tabac de 7 à 10 euros, il a pointé le risque de la mener « sans coordination européenne », ce qui va pousser, selon lui, les fumeurs à se fournir dans les pays étrangers ou par le biais d’un marché parallèle. Sceptique sur la trajectoire de réduction des déficits publics présentée par le gouvernement, il a conclu : « On ne voit pas bien ou vous voulez faire des économies mais par contre, on voit bien ou vous voulez faire des augmentations ! »

De leur côté, les députés de La France insoumise ont dénoncé, sans surprise, des « coupes drastiques dans les dépenses publiques », qualifiées de « cure d’austérité ». « Ce n’est pas une révolution copernicienne mais le malade imaginaire de Molière où il faut toujours plus de saignées. Mais le malade mourra guéri », a lancé Eric Coquerel. Avant de lancer : « Pour les riches, c’est toujours l’été, pour les pauvres, toujours la saison sèche… »