Emmanuel Macron et le général Pierre de Villiers, sur les Champs Elysees, à Paris, le 14 juillet. | Markus Schreiber / AP

Editorial du « Monde ». La crise ouverte depuis une semaine entre l’Elysée et la haute hiérarchie militaire, qui s’est soldée, mercredi 19 juillet, par la démission retentissante du chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, atteint le président de la République à la fois sur la forme et sur le fond, deux mois à peine après son entrée en fonctions.

Sur la forme, le style Macron a ici atteint ses limites. Elu sur sa jeunesse, sa volonté de rompre avec la politique traditionnelle et son parcours inhabituel, M. Macron a délibérément mis en avant la dimension régalienne de la fonction de chef de l’Etat en arrivant à l’Elysée, à la fois pour établir son autorité personnelle et pour rétablir l’autorité de l’institution présidentielle. Il fallait restaurer la confiance des Français dans leurs institutions ; le président s’est appuyé pour cela sur les moyens que lui offre la Ve République, et notamment ceux de chef des armées, dont il a utilisé tous les symboles.

De manière lourde, voire humiliante

Mais le fond est venu heurter la forme, et il est symptomatique que ce choc se soit produit dans le domaine de la défense. En procédant à un revirement sur la politique fiscale, après le discours de politique générale du premier ministre, Edouard Philippe, M. Macron a ouvert la voie à des coupes claires dans les dépenses publiques pour compenser les allégements fiscaux. Lorsque ces coupes ont visé le budget de la défense, le général de Villiers s’est cabré. Le président de la République n’avait pas d’autre choix que de réaffirmer l’autorité du politique sur le militaire, mais il l’a fait de manière lourde, voire humiliante. Cette séquence s’est en outre déroulée au pire moment, celui du 14-Juillet, fête dédiée à la gloire de l’armée, actuellement au faîte de sa popularité en France, et dont le déploiement a tant impressionné le président des Etats-Unis.

Lorsque l’émotion, qui est grande dans les cercles militaires après le départ du très respecté général de Villiers, sera retombée, le président de la République se retrouvera face à la même équation : celle de l’adéquation entre les ambitions militaires de la France, puissance nucléaire, présente sur de multiples théâtres opérationnels à l’étranger, et ses moyens. Cette équation, devenue manifestement insoluble, est à la source du psychodrame politique qui vient de se jouer.

M. Macron a réaffirmé son engagement de porter le budget de la défense à 2 % du PIB en 2025. C’est en effet aux dirigeants élus, et pas à la hiérarchie militaire, qu’il appartient de fixer les priorités budgétaires. Mais à eux aussi de concevoir clairement ces priorités, de les énoncer et d’en faire la pédagogie. Face à l’irruption du terrorisme de masse, le président François Hollande avait décrété que le « pacte de sécurité » l’emportait sur le « pacte de stabilité ». Son successeur doit se prononcer sur cette priorité.

En pleine « affaire Villiers », Emmanuel Macron a rendu visite aux députés de sa majorité parlementaire, mardi. Il les a assurés qu’ils ne seraient soumis ni au « caporalisme » ni à un « ordre jupitérien ». Le choix de ces mots est, peut-être, révélateur d’une évolution personnelle : ce président a déjà montré qu’il apprenait vite. « Je ne vous le cache pas, a ajouté le chef de l’Etat, il y aura des débats difficiles, ils ­seront budgétaires, ils seront parfois humains. » Nous y sommes. Comme les députés et les militaires, les Français ont besoin de clarté, et de cohérence.