LES CHOIX DE LA MATINALE

Cette semaine, nous vous proposons trois types de voyages littéraires : l’un dans l’Histoire, avec un récit sur la pirate Jeanne de Belleville ; un autre à travers les Amériques, avec les aventures d’un homme à la recherche d’un lointain eldorado ; un troisième, enfin, au cœur de l’écriture, avec le rocambolesque Roman impossible de Thierry Hesse.

ROMAN HISTORIQUE. « Pour ce qu’il me plaist », de Laure Buisson

Laure Buisson s’est toujours intéressée à d’étranges égarées, à des frondeuses, des révoltées. A des femmes en guerre. Avec ce cinquième roman, elle les relie toutes à une légitime ancêtre : Jeanne de Belleville (1300-1359), la « tigresse bretonne », qui poursuivit et coula les nefs françaises, des côtes de la Manche à celles de l’Atlantique.

Pour ce qu’il me plaist est le récit documenté de la vie de cette femme pirate et des légendes d’abordage, de pillage, de massacre qui l’entourent. L’histoire que traverse Jeanne est celle des Rois maudits, de Maurice Druon. Celle de l’entrée dans la guerre de Cent Ans, celle de la peste noire.

Après la mort de son second mari, tombé en disgrâce et assassiné par le roi de France, la jeune femme souhaite se venger. Elle vend ses biens, achète un bateau et s’embarque avec ses deux fils. La chronique dit qu’elle armera quatre navires et qu’elle commandera à une armée de 400 hommes. Sans pitié. Une biographie habitée qui tente de comprendre au mieux ses joies et ses douleurs. Et les raisons de sa haine. Xavier Houssin

Grasset

« Pour ce qu’il me plaist », de Laure Buisson, Grasset, 360 pages, 20,90 €.

ROMAN D’AVENTURES. « Equateur », d’Antonin Varenne

Après Fakirs (Viviane Hamy, 2009) ou Trois mille chevaux vapeur (Albin Michel, 2014), Antonin Varenne revient avec un roman à la prose économe et efficace. Equateur est le récit d’une fuite, celle de Pete Ferguson, dans les années 1870, recherché pour meurtre dans son Nevada natal. Une course folle à travers les Amériques, des Etats-Unis au Brésil, qui a pour destination un Equateur fantasmatique, un eldorado incertain. Un lointain, surtout.

Sur mer ou sur terre, Pete rencontre tout ce que doit rencontrer le héros d’un roman d’aventures : amours, morts, coups d’Etat, chasse au bison, et même une colonie de femmes en Guyane. Avec talent, Antonin Varenne emprunte à la littérature populaire de cette fin du XIXe siècle son art du rythme et de l’action, agrémentant le récit de pauses par l’intermédiaire de lettres, échangées tout au long du roman.

Des miettes de pensée à la première personne, qui donnent une tout autre profondeur au livre en en faisant le roman des perdants, des pauvres, des Indiens, des escrocs, des femmes, des sans-voix… Le roman de ceux qui sont broyés par les événements. Nils C. Ahl

Albin Michel

« Equateur », d’Antonin Varenne, Albin Michel, 346 pages, 20,90 €.

ROMAN TOUT COURT. « Le Roman impossible », de Thierry Hesse

« Pourquoi ce roman-ci et pas un autre ? », voilà ce qui obsède Samuel Richard. Cet écrivain en proie à l’indécision sur la direction que doit prendre son troisième livre se réveille un matin le visage boursoufflé, en feu.

Comment en est-il arrivé là ? De digression en digression, Le Roman impossible, de Thierry Hesse, évoque l’univers de cet homme plongé dans l’écriture d’un texte qu’il n’arrive pas à finir, travaillé par son inconscient comme la France l’est par son histoire coloniale.

On y retrouve Malik Oussekine, tué par la police en 1986, mais aussi Sakineh Mohammadi Ashtiani, une Iranienne lapidée pour adultère, un chien féroce prénommé Prose, un homme impassible en imperméable kaki…

Associations d’idées et faux hasards se mêlent dans ce roman étonnant, où psychanalyse lacanienne et théorie littéraire nourrissent la fiction. Avec beaucoup d’humour, Thierry Hesse analyse les doutes de l’écrivain et en fait une histoire rocambolesque, qui part dans tous les sens mais ne perd jamais le lecteur. Marie Daoudal

L'Olivier

« Le Roman impossible », de Thierry Hesse, L’Olivier, 336 pages, 19,50 €.