Le nouveau rapport d’Onusida dressant l’état des lieux de l’épidémie due au VIH pour l’année 2016 apporte de bonnes nouvelles qui encouragent à redoubler d’efforts. Il témoigne néanmoins d’une situation préoccupante en Afrique de l’Ouest et centrale et au Moyen-Orient/Afrique du Nord, et très alarmante en Europe de l’Est et en Asie centrale.

Rendu public jeudi 20 juillet à l’Hôtel de ville de Paris, en présence de la maire, Anne Hidalgo, le document montre que le nombre de nouvelles infections et de morts diminue et que la proportion de personnes accédant au traitement antirétroviral s’accroît partout, sauf dans la région définie comme « Europe de l’Est et Asie centrale » par l’Onusida.

Dans cette zone, ces mauvais résultats sont, pour l’essentiel, observés dans la Fédération de Russie, qui concentre les trois quarts des nouvelles infections. Les progrès sont moins marqués en Afrique de l’Ouest et centrale que sur le reste du continent.

Cinq mille cas par jour

En 2016, 1,8 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH dans le monde, soit environ 5 000 cas par jour. Un chiffre en diminution par rapport à 2015 où les nouveaux cas d’infection s’élevaient à 2,1 millions. Cela porte le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde en 2016 à 36,7 millions.

L’augmentation au fil des années traduit celle des vies sauvées par les traitements. Depuis 2010, le nombre des nouvelles infections a baissé de 11 % chez les adultes et de 47 % chez les enfants, pour lesquels elle s’élevaient à 160 000 en 2016.

Le nombre de décès en 2016 dus à des maladies liées au sida a légèrement diminué par rapport à 2015 : 1 million au lieu de 1,1 million. Cela représente une baisse de 48 % depuis le pic atteint en 2005, mais il faut avoir présent à l’esprit que, depuis le début de l’épidémie, 35 millions de personnes sont mortes des suites de maladies liées au sida.

Même si le nombre de morts liées à la tuberculose chez les personnes vivant avec le VIH a diminué d’un tiers entre 2005 et 2015, cette affection respiratoire demeure la principale cause de décès dans cette population.

Une majorité des personnes concernées sont sous traitement

Autre domaine en progrès, le chiffre record de 19,5 millions d’individus ayant accès au traitement antirétroviral en 2016 (contre 18,2 millions l’année précédente). Cela correspond à 53 % des personnes vivant avec le VIH et c’est bien la première fois, depuis que l’on sait qu’il vaut mieux traiter immédiatement dès la découverte d’une séropositivité, qu’une majorité des personnes concernées sont mises sous traitement.

« C’est historique, se réjouit Michel Sidibé, directeur exécutif d’Onusida. Lorsque nous avons avancé les objectifs 90-90-90 en 2014, on nous a dit que ce serait impossible. Malgré des budgets qui n’ont pas augmenté, nous sommes parvenus à donner accès au traitement à 2,4 millions de personnes supplémentaires. Combinés aux programmes de prévention et aux activités de dépistage, les traitements donnent des résultats positifs. Entre 2003, où 4 % des personnes vivant avec le VIH étaient traitées, et 2016, le nombre des décès a été réduit de moitié. »

En 2014, l’Onusida a fixé des objectifs pour 2020 résumés par la formule « 90-90-90 ». En l’occurrence que 90 % des personnes vivant avec le VIH sachent qu’elles ont été infectées, que 90 % des personnes séropositives connaissant leur statut soient sous traitement et que 90 % des personnes traitées présentent une charge virale indétectable et donc quasiment aucun risque de transmettre le virus. Néanmoins, la proportion d’enfants traités est encore trop faible : elle n’atteignait que 43 % en 2016.

Par rapport aux objectifs avancés pour 2020, le rapport montre des avancées : 70 % de la population estimée vivant avec le VIH connaît son statut sérologique, 77 % des personnes qui se savent séropositives sont sous traitement et 82 % des personnes traitées ont une charge virale indétectable.

Refus de mettre en œuvre des politiques de réduction des risques

Pour autant, le rapport d’Onusida souligne des failles. La plus importante est l’épidémie qui flambe au sein de la région Europe orientale et Asie centrale, qui compte 1,6 million de personnes vivant avec le VIH et où ont été recensés 190 000 nouvelles infections et 40 000 décès liés au sida en 2016. Entre 2010 et 2016, le nombre de nouvelles infections a bondi de 60 % et celui des morts a progressé de 27 %.

Essentiellement liée au refus de mettre en œuvre des politiques de réduction des risques et au recours à la répression pour les populations marginalisées les plus exposées (usagers de drogue, personnes se livrant à la prostitution...), cette situation résulte également d’un taux de mise sous traitement trop faible : 28 % des personnes séropositives reçoivent des antirétroviraux dans la région.

« Tant que l’on ne modifiera pas les lois et les politiques dans la région, on ne résoudra pas cette crise. Il faut que les autorités reconnaissent que les nombreuses preuves scientifiques de l’efficacité de la réduction des risques – programmes méthadone, matériel d’injection stérile... – doivent constituer la base des programmes anti-VIH nationaux », estime Michel Sidibé.

Situation préoccupante en Afrique de l’Ouest et centrale

La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord – où 230 000 personnes vivent avec le VIH – présente une légère diminution du nombre de nouvelles infections (− 4 % depuis 2010) mais une notable augmentation du nombre de morts (+ 19 % depuis 2010), avec un taux de couverture thérapeutique qui est bas : 24 % en 2016.

Les décès liés au sida ont plus que doublé entre 2000 et 2010 en Egypte, en Iran, au Koweit, au Maroc, au Soudan, en Tunisie et au Yémen. Cela s’expliquerait, selon l’Onusida, par une hausse du nombre de nouveaux cas dans certains pays et par un accès limité aux traitements dans d’autres.

La situation en Afrique de l’Ouest et centrale, qui compte 6,1 millions de personnes vivant avec le VIH, dont 56 % de femmes, préoccupe également l’Onusida. Depuis 2010, les nouvelles infections n’y ont diminué que de 9 %, contre − 29 % en Afrique orientale et australe, qui, elle, abrite 19,4 millions d’individus séropositifs.

De même la baisse du nombre des décès depuis 2010 est moins importante qu’en Afrique orientale et australe : − 21 % contre − 42 %. Quant au taux de personnes vivant avec le VIH sous traitement, le retard est également notable : 35 % contre 67 %.

« Il faut combler ce retard dans cette région où 70 % de la population a moins de 30 ans, insiste Michel Sidibé. Il ne fait qu’accroître la fragilité des Etats. Là comme ailleurs, il est nécessaire de renforcer les systèmes de santé, développer un vaste réseau d’agents de santé communautaires qui crée, de plus, des emplois. »

Investissements en baisse en Afrique de l’Ouest et centrale

Les fonds disponibles en 2016 pour l’Afrique de l’Ouest et centrale étaient de 2,1 milliards de dollars, soit une augmentation de 65 %. Dans le même temps, ceux destinés à l’Afrique de l’Est et australe atteignaient 9,6 dollars, soit un doublement entre 2006 et 2016. « Le niveau d’investissement en Afrique de l’Ouest et centrale est en deça de qu’il faudrait pour parvenir à atteindre les objectifs fixés pour 2020. Il manque 1,9 milliard de dollars », constate Michel Sidibé.

De ce point de vue, il faut se réjouir de voir que 57 % des ressources consacrées à la lutte contre le VIH sont assumées par les Etats eux-mêmes. Néanmoins, la mobilisation des donateurs internationaux demeure cruciale pour atteindre les objectifs 90-90-90. En 2016, les investissements ont légèrement diminué, ce qui n’est pas bon signe.

Paris, ville très mobilisée autour de la campagne « Paris sans sida », accueille dimanche 23 juillet la conférence de l’International AIDS Society (IAS). Si la science du VIH sera au cœur de ses travaux, elle sera aussi une opportunité pour mobiliser contre la pandémie.