Miguel Blesa, ancien président de la caisse d’épargne Caja Madrid, en octobre 2014. | DANI POZO / AFP

Il fut le premier banquier espagnol de la crise à mettre les pieds en prison, brièvement, en 2013. Miguel Blesa, ancien président de la caisse d’épargne Caja Madrid, est mort le 19 juillet. L’autopsie, pratiquée jeudi 20 juillet, a confirmé les soupçons de la police : l’ex-banquier de 69 ans s’est suicidé avec son fusil de chasse.

Condamné en février à six ans de prison pour détournement de fonds, il attendait d’être définitivement fixé sur son sort lors du procès en appel de l’affaire des « cartes black », des cartes de crédit de complaisance, non déclarées au fisc, distribuées aux membres du conseil d’administration de Caja Madrid, à partir de 2003. Il était aussi mis en examen dans l’affaire des « participations préférentielles », ces produits financiers complexes, perpétuels, vendus au début de la crise comme un placement sûr à près de 300 000 petits épargnants par la suite ruinés.

Des retraités ruinés

Miguel Blesa avait le triste honneur d’être le banquier le plus détesté d’Espagne. L’homme aux cheveux gominés, réputé arrogant, amoureux du luxe et de la chasse (y compris d’espèces protégées) était hué dans la rue, insulté par les manifestants postés devant les tribunaux avant chacune de ses comparutions devant le juge, parfois agressé par des retraités ruinés.

Président de Caja Madrid entre 1996 et 2010, il était considéré comme le principal responsable de la quasi-faillite de cet établissement semi-public à vocation sociale. Après avoir été contraint d’abandonner son poste, son successeur, l’ancien directeur du Fonds monétaire international Rodrigo Rato, opéra aussitôt la fusion de Caja Madrid avec six autres caisses d’épargne espagnoles, et créa Bankia, sauvée de la faillite en 2012 grâce à l’injection de 23 milliards d’euros de fonds publics.

L’histoire de l’ascension de M. Blesa, militant du Parti populaire (PP, droite au pouvoir), inspecteur des impôts placé à la tête de Caja Madrid par son ami d’enfance, l’ancien premier ministre José Maria Aznar, et de sa chute postérieure, offrent un condensé des errements de la crise.

Belles voitures et grands crus

Sous sa présidence, la taille de la caisse d’épargne quintupla, grâce à une augmentation incontrôlée du volume des crédits concédés, nourrissant la bulle immobilière, arrosant ses amis, finançant des infrastructures insensées… Quand Caja Madrid commença à sombrer sous le poids des impayés, des crédits toxiques et de sa dette, il inonda ses clients de « participations préférentielles ». Lui paradait dans des voitures de luxe et buvait des grands crus, aux frais de l’établissement, qui le rémunéra plus de 12 millions d’euros entre 2007 et 2010. C’était avant que, tombé de son piédestal, il se dise ruiné par les cautions et saisies judiciaires.

Sa fin tragique ne clôt pas ce chapitre de la finance espagnole. D’autres ex-banquiers espagnols, comme Rodrigo Rato – lui aussi condamné, à quatre ans et demi de prison, dans l’affaire des « cartes black » et mis en examen pour l’entrée en Bourse de Bankia –, attendent encore d’être jugés pour leur rôle dans la crise financière.