A Calais, en août 2016. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

C’est une véritable fournaise que nous annonce, à l’horizon de la fin du siècle, une étude publiée mercredi 19 juillet dans la revue Environmental Research Letters. Les températures estivales maximales pourraient alors dépasser en France, par endroits, les 50 °C. Selon les régions, elles surpasseraient de 6 à près de 13 degrés les records historiques.

Les pics de chaleur des dernières semaines, marqués par des pointes de 38 °C, ont rappelé aux Français le souvenir cuisant de la canicule de 2003, la plus sévère enregistrée dans l’Hexagone, avec des températures excédant de 3,2 °C la moyenne de la période 1981-2010. Un coup de chaud responsable de 15 000 à 20 000 morts excédentaires en France, selon diverses estimations, et de 70 000 morts sur l’ensemble de l’Europe, frappée par le même phénomène.

Les climatologues ont déjà prévenu que de telles vagues de chaleur risquaient de devenir la norme à l’avenir, sous l’effet du réchauffement global dû aux émissions de gaz à effet de serre. Le rapport sur « le climat de la France au XXIe siècle » prévoit ainsi, dans ses « scénarios régionalisés », une augmentation des températures moyennes comprises entre 2,6 °C et 5,3 °C en été, entre 2071 et 2100. Cette hausse sera particulièrement prononcée dans le sud-est du pays, qui pourrait alors connaître des vagues de chaleur de plus vingt jours, avec des épisodes de sécheresse aggravés dans les régions méridionales et, potentiellement, sur l’ensemble du territoire métropolitain.

Vagues de chaleur observées en France entre 1947 et 2016 (en gris) et projetées entre 2017 et 2100 (en doré), dans un scénario de poursuite des émissions de gaz à effet de serre à leur rythme actuel. | Météo-France

En se focalisant non pas sur les températures moyennes, mais sur leurs valeurs maximales, la nouvelle étude brosse un tableau encore plus apocalyptique. Ses sept auteurs, tous Français, relèvent de plusieurs organismes scientifiques, dont l’Unité climat, environnement, couplages et incertitudes (CECI, CERFACS-CNRS), le Centre national de recherches météorologiques (CNRM, Météo France-CNRS) et la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo France.

Les chercheurs ont d’abord recensé les records de températures observés dans l’Hexagone entre 1950 et 2005. Ils se sont ensuite placés dans l’une des hypothèses – la plus pessimiste – retenues par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : celle dans laquelle les émissions humaines de gaz à effet de serre, loin de baisser, continuent de progresser au rythme actuel, entraînant un réchauffement planétaire moyen de 3,7 ° C à la fin du siècle. Ils ont alors fait tourner un modèle de climat régional développé par Météo France. Celui-ci, baptisé Aladin, produit des simulations de l’évolution du climat avec une très haute résolution spatiale, de 12,5 km, alors que les modèles globaux généralement utilisés par les climatologues ont une définition de l’ordre de 100 à 150 km.

« Scénario du pire »

Les conclusions sont proprement torrides. A la fin du siècle, les maximums de températures attendus, en été et en journée, pulvérisent tous les records établis depuis le milieu du siècle dernier. Ils sont supérieurs de 6,6 °C en Bretagne, 7,7 °C près de la côte méditerranéenne, 9,6 °C dans le sud-ouest de la France, 12,2 °C dans le nord du pays et 12,9 °C dans l’est. Une distribution géographique contre-intuitive, le pourtour méditerranéen n’étant pas le plus dans le rouge, ce qui peut s’expliquer par l’effet modérateur de la mer et, pour la Bretagne, de l’océan.

« Ces résultats indiquent que les valeurs maximales en France pourraient facilement dépasser 50 °C à la fin du XXIe siècle », écrivent les chercheurs. Les records historiques de températures étant de 42 °C, la colonne de mercure pourrait même grimper, dans certaines régions, jusqu’à 55 °C. Un enfer que ne connaissent aujourd’hui que les zones désertiques. « Les vagues de chaleur pourraient aussi avoir un fort impact sur les températures nocturnes, avec de sérieuses conséquences pour la santé humaine », ajoutent les auteurs.

« Nous avons été les premiers surpris par nos résultats : 50 ou 55 °C, c’est énorme », confie l’un des signataires de l’étude, Samuel Somot, responsable de l’équipe de modélisation régionale du climat au CNRM. Faut-il alors mettre en cause la fiabilité du modèle utilisé ? Ce dernier, indique le chercheur, a déjà fait la preuve de sa robustesse, à la fois sur des périodes passées permettant de valider ses simulations et sur d’autres grandes zones géographiques, Europe, Afrique ou territoires ultramarins.

L’histoire n’est cependant pas écrite. « Nous avons choisi le scénario du pire, en faisant tourner un seul modèle que nous connaissons bien, pour voir où il nous conduisait », précise Samuel Somot. Autrement dit, la surchauffe peut encore être évitée, non seulement pour la France mais plus largement pour la planète – à commencer par les pays en développement, qui sont les plus vulnérables face aux changements climatiques.

« Tout dépendra des décisions politiques et économiques qui seront prises dans les années qui viennent, souligne le chercheur. Si l’Accord de Paris [qui prévoit de limiter à 2 °C, et si possible 1,5 °C, le réchauffement par rapport à la période préindustrielle] est mis en œuvre, nous nous écarterons du scénario du pire. » Mais, prévient-il, le temps est compté : « C’est du niveau des émissions mondiales de gaz à effet de serre dans les deux décennies à venir que va dépendre le climat de la fin du siècle ».